Hollywood surfe toujours sur sa vague de remakes des films de genre des années 70-80, et aujourd’hui, c’est au tour du tout premier film de Wes Craven d'avoir droit au sien : "La Dernière Maison sur la Gauche", sorti en 1972. A la fois assez sadique et machiavélique, ce grand classique avait à l’époque choqué, dégouté, retourné l’estomac de pauvres spectateurs grâce notamment à des scènes chocs très crues et sans aucune concession. Alors, cette nouvelle mouture 2005 est-elle à la hauteur de son illustre prédécesseur ? Et bien le résultat est plutôt positif, surtout comparé à pas mal d’autres remakes du même type qui se sont royalement plantés ces dernières années. Commençons par les bonnes choses : 01) la réalisation : bien loin de l’amateurisme de la mise en scène de Craven, elle est ici solide et léchée avec un cadre toujours bien posé, notamment lors des séquences de nuit du dernier acte. 02) découlant directement de la réalisation, le rythme du récit est plus soutenu, moins saccadé que dans le film de Craven (au passage, l’idée de supprimer les scènes avec les deux policiers est sans aucun doute la meilleure de ce remake : ces passages inutiles ne faisaient que ralentir l'action et leur humour relativement lourd n’arrivait finalement qu’à nous ennuyer le temps que la trame principale reviennent à l’écran !). 03) le gore s’invite lors de certaines scènes, impliquant plus le film dans le vif du sujet et s’éloignant du subjectif présent dans le film d’origine. Les amateurs apprécieront. 04) la musique de John Murphy : assez éloignée de ce qu’il a l’habitude de faire ("Arnaques, Crimes et Botanique", "Sunshine", "28 Jours Plus Tard", "Snatch", "Le Boss", "Miami Vice", "28 Jours Semaines Tard"), elle est assez prenante et soutient efficacement les images qu’elle illustre. Maintenant, arrêtons-nous sur les choses gênantes : 01) Les personnages sont moins bien développés : prenons Mari, dans le film de Craven, elle était dévoilée comme une frêle et impuissante victime subissant totalement l’horreur qui lui tombe dessus, à un tel point que son retour à la maison à la fin du film tient plus du deus ex machina sous forme de miracle qui amènera le « renouveau » de ses parents. Ici, elle est devenue une « strong independant woman » habituelle des teenagers movies modernes : elle se rebelle lors de son viol, elle tente de s’échapper et y parvient partiellement. Elle continuera de se battre pour rentrer chez elle, et lorsqu’elle y parvient, on est point étonné et la portée s’en retrouve donc largement diminuée. Pour ce qui est des voyous, chez Craven, les trois possédait tous un certains charisme qui en faisait des salopards mémorables, même si Krug s’imposait plus à l’écran (pour ne pas dire qu’il le crevait !!). Ici, ils sont un peu trop « cools » pour être réellement considérés comme de belles ordures (à la limite des pauvres cons inconscients), même Krug est beaucoup moins effrayant. Finalement, celui qui s’en sort le mieux c’est Francis, interprété par Aaron Paul (Jesse de « Breaking Bad »), non pas parce qu’il joue mieux que les autres, mais parce qu’il surjoue plus qu’eux, le rendant ainsi moins neurasthénique que ses compères. Quand au personnage de Justin (Junior chez Craven), il est totalement modifié pour correspondre mieux lui aussi aux teenagers movies modernes. Pour finir, les parents de Mari semblent plus agir sous le choc de ce qui est arrivé à leur fille mais sans sombrer eux aussi dans la même noirceur que celle des agresseurs de leur fille et c’est bien dommage. 02) La chose la plus décevante lorsqu’on compare les deux versions : l’ambiance du film. Même s’il était doté d’une réalisation plus que médiocre, le film de Craven était extrêmement malsain et ses nombreuses scènes chocs décrivant le calvaire et l'humiliation dont les deux jeunes filles étaient victimes restaient longtemps dans notre mémoire, ce qui nous laisser ko comme si on venait de se prendre un uppercut en pleine tronche ! Au final, l’aspect crado du long-métrage devenait alors un élément accentuant à la fois le sadisme des agresseurs et celui des parents à la fin (rendant même ce dernier presque légitime !). Ici, tout est extrêmement aseptisé (très certainement pour toujours le même argument à la con des producteurs pour faire le plus de fric possible : le PG-13 !!) : la mort de Paige est beaucoup moins brutale et le viol de Mari est bien moins long et insupportable. Même la révolte des parents à la fin est moins choquante : par exemple, chez Craven, maman Collingwood était amenée à faire une fellation à l'un des malfrats dans l’unique but de lui arracher le service trois pièces avec les dents…c’était super malsain et choquant comme rarement on n'avait pu le voir auparavant au cinéma ! Ici, elle se contente de faire un numéro de charme à Francis en buvant du vin pour tenter vainement de l’assommer en lui fracassant le crâne avec la bouteille…presque pathétique.
Au final, "La Dernière Maison sur la Gauche" version moderne est un honnête remake (surtout comparé à tous les autres sortis dernièrement et généralement bien nazes !) avec une bonne réalisation, un bon rythme et de bons effets sanglants mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître, il n’est pas aussi marquant que son prédécesseur justement à cause de son côté « propre ». Il demeure néanmoins un bon divertissement qui a le mérite de donner envie aux nouvelles générations de découvrir l’original de Wes Craven.