Mai 1968 était encore dans les esprits lorsque Marcel Carné met en scène Les Assassins de l'ordre, où il s'intéresse à un drame judiciaire où la police pourrait être mise en cause.
Mai 1968 est présent et même peut être un peu trop, dans le sens où Carné tombe dans certains pièges notamment celui du film manichéen, où la vision des flics est sans aucune nuance. C'est dommage car dans l'ensemble il s'en sort plutôt bien et réalise un film passionnant de bout en bout mais qui aurait mérité peut-être un peu plus de nuances, mais aussi, et surtout, de justesse dans la façon de faire et d'amener les réflexions autour de la police, de son rôle et de la façon dont elle est jugée (notamment certains passages avec les étudiants qui sont un peu trop maladroits).
Sinon c'est vraiment bien foutu, la mise en scène de Carné n'est certes guère surprenante mais efficace, sachant nous immerger dès les premières secondes dans le vif du sujet, présentant les personnages au fur et à mesure et les rendant intéressant. Si l'opposition entre les différents "groupes" (police, juge, étudiant et civil) n'est pas toujours pertinente, l'approfondissement des personnes l'est, notamment ce juge et les dilemmes qu'il va avoir, tout comme la tension qui va l'entourer durant l'instruction. Si le fond manque de nuances, il n'en reste pas moins intéressant, surtout lorsqu'il met en avant le système judiciaire dans sa globalité, avec les pressions, chantages, proposition ou encore humiliation qui vont avec.
Carné trouve le bon équilibre entre les différents sujets et personnages, sachant développer quelques sous-intrigues autour de la principale, que ce soit vis-à-vis du fils du juge ou de la prostituée. Jacques Brel est remarquable dans la peau de ce juge qui va croire en sa cause malgré les pressions, et tout faire pour aller au bout tandis que face à lui, les autres interprètes s'en sortent très bien, notamment Catherine Rouvel mais surtout Charles Denner, cynique et lucide sur le monde dans lequel il vit et qui participe à ce final fort réussi.
Si Les Assassins de L'ordre aurait mérité un peu plus de nuances dans son traitement, il n'en reste pas moins un film efficacement ficelé, passionnant et bénéficiant d'excellentes interprétations, Jacques Brel et Charles Denner en tête.