Décidément, Michael Mann est un honnête faiseur de films, pas un grand réalisateur. S'il en était encore besoin, la preuve nous en est fournie par le traitement qu'il apporte à l'histoire vue et revue au cinéma de John Dllinger, ennemi public n°1 et Robin des Bois moderne qui respectait les dépôts des petits épargnants et détroussait les banques, activité hautement morale au regard du discrédit dont jouissent ces établissements depuis quelques mois.
Après "L'ennemi public n°1" en 1945, "Baby Face Nelson" en 1957, "Young Dillinger" en 1965, "Dillinger" en 1973, "Dillinger et Capone" en 1995 et "Baby Face Nelson" à nouveau la même année, sans oublier l'atypique "Dillinger est mort" de Marco Ferreri en 1969 où l'ennemi public n'apparaissait que dans une coupure de journal, voici donc une nouvelle version de la destinée de celui qui fut l'égal d'Al Capone ou de Clyde Barrow dans la mythologie américaine d'avant-guerre.
Question qui s'impose chaque fois qu'un de ces mythes est à nouveau convoqué, que ce soit King Kong, Dracula, Frankenstein, Capone ou Robin des Bois : que va apporter la nouvelle mouture ? Si on compare, dans la même catégorie, à "Bonnie and Clyde" d'Arthur Penn, aux "Sentiers de la Perdition" de Sam Mendes ou aux "Incorruptibles" de De Palma auquels certains plans de la gare de Chicago font parfois penser, la réponse tombe, cruelle : rien.
Côté réalisation, Michael Mann fait comme tout le monde aujourd'hui : caméra qui a la tremblote, même sur les plans fixes, musique de cordes lancinante, abus de ralentis ; ça ne suffit pas à faire un style. Le scénario se veut fidèle (trop ?) à la véritable histoire, et seule l'instrumentalisation de la peur suscitée par les batailles rangées entre gangsters et G-men afin de renforcer le pouvoir d'Edgar J. Hoover présente un embryon d'intérêt. L'opposition entre la philosophie libertaire de Dillinger et le besoin d'ordre des mafiosi de Frank Niti est à peine évoquée, bien loin de la mobilisation de la pègre de Berlin pour mettre hors d'état de nuire M le Maudit. .
Johnny Depp et Marion Cotillard sont plutôt à la hauteur de leurs réputations, mais il leur est difficile de nuancer des personnages aussi archétypaux ; finalement, Christian Bale parvient à incarner un personnage plus intéressant, celui d'un policier lisse et froid de la nouvelle génération, un ancêtre de la police scientifique qui réussit à faire parler un manteau pour remonter jusqu'à la planque de son adversaire.
Une nouvelle fois, un réalisateur américain d'aujourd'hui met 135 longues minutes pour raconter mollement ce que ses prédécesseurs d'il y a une ou deux générations faisaient vivre avec dynamisme en 1 h 30 ; c'est sans doute ça le progrès...
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