Depuis le décodage complet du génome humain, on s’attend chaque jour à des découvertes incroyables ou à des créations de monstres par manipulation génétique. Même si l’actualité s’est montrée plutôt avare en révélations sur ce sujet récemment, le cinéma et la littérature ont souvent servi d’exutoire, au travers d’œuvres fantastiques qui ont su exprimer les espoirs, mais aussi les peurs liées au comportement de l’homme qui devient Dieu. De Frankenstein jusqu’à La mouche, ce thème a toujours été très présent dans l’art moderne. Simplement aujourd’hui ce n’est plus de la science fiction…
Deux scientifiques qui sont parvenus à créer un tout nouvel « animal » par addition de plusieurs génomes. Même si ce dernier ressemble à une grosse limace flasque, il est suffisamment au point pour que les deux chercheurs souhaitent tenter l’expérience avec l’être humain. Même si leur compagnie n’est pas de cet avis, ils passent le pas tous seuls en créant une créature mi-humaine, mi-animale. Mais il va falloir s’en occuper, la nourrir, et la cacher. Le couple qui ne voulait pas d’enfants se retrouve avec un petit monstre sur les bras…
Le thème n’est pas nouveau mais il est particulièrement casse-gueule. Pour s’éloigner de la philosophie de comptoir, tout en restant dans un ton réaliste et dramatique et ne pas basculer dans le film de monstres gratuit, il faut avoir un sacré talent d’équilibriste. Là où David Cronenberg (modèle revendiqué par le film) restait le plus souvent dans le film fantastique en traitant avec fascination les multiples transformations du corps, Splicecherche à s’ancrer dans une forme de réalisme qui est d’abord séduisante, mais qui ne tient pas la longueur et qui lui explose à la figure quand le film bascule dans un mélange de fantastique et d’horreur Le film devient bien malgré lui un très bon exemple du fait qu’une dernière demi-heure ratée peut mettre un film par terre, alors que le contrat avait plutôt été rempli jusque là.
En effet, la « création » du monstre, sa croissance et le trouble qu’il crée dans le couple de chercheurs sont des moments bien écrits, très bien réalisés, dans une ambiance prenante parfaitement maitrisée. Mieux encore, les effets spéciaux plutôt discrets se fondent parfaitement et on se prend à croire à l’histoire et à suivre la vie de cette bestiole qui ressemble de plus en plus à une petite fille au fur et à mesure qu’elle grandit. L’évolution de ses relations avec les deux héros et le désordre crée dans le couple sont intéressants à suivre, même si les ambitions du script sont claires comme de l’eau de roche : nous faire réfléchir par le malaise sur les limites de l’humanité, sur la frontière entre l’homme et le monstre. Il faut dire que Sarah Polley et Adrian Brody sont (comme d’habitude) parfaits.
Mais pour boucler son histoire, le réalisateur choisit de prendre le virage du gros fantastique qui tâche, quand ce n’est pas directement du film d’horreur. Ce n’est pas que le genre est méprisable, c’est qu’il ne convient pas du tout dans le ton du film, et le décrochage est violent. Les éclats de rire répétées dans la salle aux diverses « transformations » de la créature et aux mauvais effets de série Z (je suis mort, je suis pas mort, je suis mort, je suis pas mort….) prouvent que cette fin sordide, violente, et délibérément choquante est totalement ratée. Comme si le réalisateur si sage et si fin jusqu’ici avait lâché les vannes soudainement en devenant le temps d’un long épilogue le petit metteur en scène de nanars violents et lubriques qu’il a peut-être toujours rêvé d’être.
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