Les fidèles lecteurs de ces critiques connaissent mon goût pour le cinéma asiatique, et l'accueil enthousiaste que j'ai pu réserver aux films de Wong-Kar-Waï, Hou Hsiao-Hsien, Kim Ki-Duk ou Takeshi Kitano. Ayant de plus bien aimé "Shara", c'est avec beaucoup d'envie et de préjugés favorables que je suis allé voir "La Forêt de Mogari".
Las, ma déception a été à la hauteur de l'attente. Le dernier film de Naomi Kawase, la chouchoute du festival de Cannes, est un des plus vides et des plus ennuyeux qu'il m'ait été donné de voir ces dernières années. Pourtant, j'ai retrouvé les mêmes ingrédients qui m'avaient tant plu dans "Shara" : des longs plans séquences aériens avec une caméra portée, un montage puzzle qui évoque beaucoup plus qu'il ne raconte, un sens du détail dans la description des pratiques traditionnelles (la fabrication de l'encre dans "Shara", la calligraphie ici).
Mais alors que dans "Shara" ce style se mettait au service d'une histoire pourtant assez proche (déjà l'impossibilité du deuil) en l'inscrivant dans le dédale des rues de Nara, l'ancienne capitale impériale, ici ces figures stylistiques tournent aux procédés factices, et l'errance dans la forêt ressemble plus à celle du "Projet Blair Witch" qu'à celle de "Gerry".
On comprend rapidement le propos de la réalisatrice, la communauté de situation entre Shigeki et Machiko ; on devine vite qu'au bout de ce cheminement il y aura l'acceptation. Mais que le chemin est long ! Une partie de la critique s'extasie sur la beauté de la photographie, sur la gamme de verts. J'ai dû m'assoupir, mais je n'ai pas retrouvé cette richesse plastique que j'avais tant appréciée dans "Shara", la caméra tressautante semblant en permanence engoncée dans l'étroitesse du sentier, et la variation chlorophyllienne étant étouffée par une lumière naturelle forcément obscurcie.
Huis clos oppressant et répétitif, "La Forêt de Mogari" est aussi desservie par des acteurs peu convaincants et des dialogues minimalistes ; à part quelques scènes au début du film (l'anniversaire de Shigeki, par exemple), il n'y a pas grand chose à rattraper dans ce pensum new age si décevant.
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