Double drame, double choc, et double reconstruction. Voilà ce qui attend Shin-ae, jeune femme à qui la vie ne sourit pas, silencieuse statue
de larmes, enfermée dans un tombeau de stupeurs qui se révèlent les unes après les autres, un tombeau de morts, de peurs et d'abandon.Tout
d'abord, le cinéaste sud-coréen Lee Chang-Dong se refuse à toute complaisance face à son personnage, constamment en distance et enfermée sur
elle-même. C'est un des grands points forts de ce drame poignant, prix d'interprétation féminine au 60ème festival de Cannes : le recul
permanent de la caméra face à son 'héroïne' (qui n'en est pas une), sans pour autant fermer les portes à l'émotion pure et dure. Ensuite,il
y a cette absence de justification, d'explication au manque, au drame qui surgit subitement. Le film se laisse bercer par un très beau
scénario privilégiant l'imprévisible réaction du personnage face au mur qui s'impose à elle. A la fois dans l'attente d'une révélation qui ne
vient pas, comme dans le cas de la protagoniste, et dans celle de ne rien recevoir d'autre que des émotions pénibles mais nécessaires,
"Secret sunshine" nous fait voyager durant 2h30 dans les troubles psychotiques d'une femme normale pour qui la mort n'est qu'une simple mais
difficile corvée. Refusant en fait d'y comprendre quoique ce soit, le personnage de Shin-ae laisse sa tristesse infinie la guider, suivant le
reste de sa vie - sans but après la perte - machinalement, comme si plus rien ne comptait. Se réfugiant vers Dieu pour essayer de pardonner
l'impardonnable et reboucher l'incommunicabilité qui la saisit soudain, cette femme blessée, humiliée presque, perd peu à peu le contrôle de
ses désirs, jusqu'à ce que la folie et la peur profonde s'emparent d'elle. C'est toute la justesse du film que de retraduire si précisément
la douleur intérieure de ce qui est une de nos histoires à tous. Le cinéaste, au-delà du portrait de la femme engloûtie, s'amuse aussi à
transgresser les codes du mélodrame