Depuis "Chansons du deuxième étage" (2000), Roy Andersson n'avait pas tourné de long-métrage consacré au cinéma. C'est donc dire l'impatience que procurait son nouveau film, analyse de l'être humain dans une société, filmée par ses travers absurdes. "Nous, les vivants" commence comme une comédie inoubliable, désopilante et touchante à la fois, baignant dans une étrange alchimie construite d'oppositions, et une atmosphère glaciale peuplée de gens anormaux et pourtant quotidiens. Il y a indéniablement du talent dans ce cinéma-là, mélange de drôlerie fine et de bizarrerie, mis en scène simplement mais avec brio (tous les décors sont construits), noyé d'une trentaine de longs plans fixes illustrant comme d'irréels tableaux la condition de l'homme dans un monde qui lui semble jusqu'alors tout à fait inconnu. Personne ne se comprend dans "Nous, les vivants", et c'est bien ce qui créé les effets comiques en plus des silences plombants et des gueules droopiesques des acteurs, leurs regards mornes ou leurs phrases insensées. Les situations décalées, totalement surréalistes, le travail sur l'espace et le rapport comique entre un personnage et le fond qui l'entoure, la figuration, les décalages émotionnels, l'onirisme continu, la simplicité de création (toutes les scènes sont d'un minimalisme de mise en place impressionnant, laissant justement au rire le droit de s'échapper), tout a un effet très calculé, très préçis, mais qui jamais ne nuit au présent, à l'action (souvent figée). De plus, la finesse d'observation fait mouche à tous les coups : derrière le rire se cache la réflexion. Le cinéaste déçide de se moquer, subtilement, de la mort, de la peine de mort, de l'alcool ou de la vieillesse... bref, "Nous, les vivants" n'est pas qu'une simple comédie. Il y est aussi question du manque, de l'amour, du pardon et de beaucoup d'autres thèmes essentiels, allégés par une folie constante qui ne nuit pas pour autant au sérieux discours qui se cache derrière ce ballet de morts-vivant