Emilio Pacull explique la genèse douloureuse de son projet :"Héros fragiles est un film historique, politique, sentimental. Je connais mes propres sentiments sur cette histoire; je connais aussi la plupart des personnages que je vais rencontrer au cours de mon tournage. Je sais que de la confrontation de ma subjectivité au réel émergera quelque chose de nouveau que je ne saurais définir ici et maintenant avec exactitude. [...] Je met dans ce film beaucoup d'amour, de rage, de colère, pas mal de tristesse et de la compassion.[...] la "présence-absence" d'Augusto Olivares, mon beau-père mort à la Moneda le 11 septembre 1973, se révèle au travers du film comme un négatif photographique. La dramaturgie de cette histoire se construit dans l'interaction de ses sentiments et de ces regards. Et, au bout de cette aventure, un film, qui a comme corollaire l'idée que la civilisation n'est pas un vain mot, qu'elle est surtout affaire de mémoire, de dignité et de résistance".
L'implication de la CIA dans le coup d'état qui renversa Salvador Allende ne fait plus guère de doute, ainsi que l'on déjà révélé une partie de ses archives rendues public récemment. Pourtant, on estime à environ 40% les archives du "Chili Project" (nom de code donné par la CIA) qui seraient encore classifiées; notamment parce qu'elles contiendraient des noms de personnes directement impliquées.
La parole au réalisateur : "Il est certain que les années 1950 ont ouvert une période riche d'espérances dans le monde occidental. Après les horreurs des guerres successives, notre siècle avait besoin de se reconstruire, et d'abord dans l'imagination. Plus que jamais, le rêve et l'utopie étaient nécesssaires pour imaginer un monde meilleur. Les idées et les créations, qu'elles soient artistiques, politiques, musicales, étaient empreintes d'exaltation et de rébellion. Un monde nouveau était possible. Ceux qui sont à l'origine de ce formidable élan transformateur et qui ont portée l'idée qu'utopie et réalité étaient possibles ont été progressivement marginalisés, récupérés, conduits au silence et même assassinés...Le complot contre la démocratie chilienne et son corollaire, le coup d'état du 11 septembre 1973, annonce cela aussi: la fin de l'utopie et et le début d'un monde uniformisé, lissé, un monde sûr pour les puissants et fragile pour les faibles. Un monde dominé par l'hégémonie de l'économie sur l'humain..."
Pour les besoins du tournage, Emilio Pacull a rencontré à Chicago Milton Friedman. Créateur de la théorie de la monnaie, plus connue sous le nom de néo-libéralisme, Prix Nobel d'économie en 1976, Friedman est considéré comme l'un des grands économistes du XXe siècle. En janvier 1974, quelques mois après son coup d'état, Augusto Pinochet fait appel à lui comme conseiller sur les questions économiques du Chili, et qu'il mette ainsi en pratique ses théories.
Emilio Pacull a travaillé en 1972 comme assistant réalisateur sur le tournage de Etat de siège de Costa-Gavras. Il a également collaboré avec François Truffaut comme assistant caméra : en 1979 pour L'Amour en Fuite et l'année suivante avec Le Dernier métro.