Presque cinquante ans après sa sortie en salle, Le Monde, la chair et le diable, véritable classique de la science-fiction d'après guerre, ressort en France. C'est le distributeur Madadayo Films qui en est à l'origine, un an après avoir distribué en salle un autre film du genre : Planète interdite (1957).
Dans Le Monde, la chair et le diable, la ville de New York est, à l'instar des trois protagonistes, une vedette à part entière. On peut reconnaître des sites célèbres tels que Time Square, la 5e Avenue, le Lincoln Tunnel, le George Washington Bridge, la 3e Avenue, l'Empire State Building et le Chrysler Building, Trinity Church ou encore la statue de George Washington. Toutefois, pour des questions pratiques, le tournage a aussi eu lieu dans les studios de la MGM en Californie.
Le Monde, la chair et le diable est adapté d'un roman d'anticipation de M.P. Shiel intitulé The Purple Cloud, paru en 1901. Précurseur de la science-fiction moderne, l'auteur y décrit la destruction de la terre, causée par une couche de gaz empoissonné. Seul rescapé de la catastrophe, un dénommé Adam tente de survivre.
Pour tourner les scènes où l'on voit les rues de Manhattan désertes, l'équipe technique a eu recours à des moyens drastiques. Ils ont investi dès l'aube et ce, durant plusieurs jours, le quartier de Wall Street. Pour ne pas utiliser de trucages, le réalisateur et son chef opérateur, Harold J. Marzorati décidèrent de tourner entre 4h30 et 6h du matin avant que la ville ne se réveille.
En plus des scènes tournées à l'aube, l'équipe du film a minuté avec précision la durée de chaque prise de vue. Avec cette délimitation dans le temps, ils ont ainsi pu obtenir l'autorisation des autorités policières d'interrompre la circulation automobile. De son côté, la mairie de New York a accepté de ne pas utiliser ses éclairages, de même que les commerçants, qui ont consenti à éteindre leurs enseignes lumineuses durant les prises de vue. En 1997, la circulation avait elle aussi été bloquée pour les besoins d'un autre tournage : L'Associé du diable.
Pour représenter encore plus la solitude de Ralph (Harry Belafonte), Ranald MacDougall a joué avec le décor que lui offrait la ville. Il a souhaité que l'immensité des gratte-ciels figure la petitesse de son héros. En jouant sur les perspectives, il donne ainsi l'impression que Ralph est minuscule et fragile, comme menacé par la ville elle-même.
Avant le film, de nombreux scénaristes ont désiré adapter le roman à succès de M.P. Shiel. En 1927, les droits sont achetés mais jamais aucun film ne voit le jour, tant les histoires proposées semblent inadaptables ou invraisemblables. Mais en 1956, le responsable de production à la MGM pense au scénariste Ferdinand Reyher. Intitulée The end of the world, son histoire est publiée après la fin de la seconde guerre mondiale, à un moment où la menace nucléaire n'est plus une élucubration.
Si aujourd'hui la production cinématographique n'est plus gênée de s'appuyer sur une histoire d'amour entre personnages de couleurs différentes, ce n'était pas le cas en 1959. Bien qu'il soit co-producteur du Monde, la chair et le diable, Harry Belafonte ne parvient pas à convaincre le reste de la production d'introduire des scènes d'amour entre son personnage et celui d'Inger Stevens. Cette absence de baiser crée des incohérences et alimente alors les critiques les plus libérales, qui rejètent la chasteté du film. Dans la biographie d'Arnold Shaw, l'artiste se déclare d'ailleurs en accord avec ces critiques : "Non seulement je suis d'accord, mais je l'ai dit à Sol C. Siegel pendant que nous faisions le film. Et les protestations de Inger Stevens et Mel Ferrer étaient aussi fortes que les miennes". Harry Belafonte avait déjà été confronté à ce problème dans Une île au soleil.
Avant de réaliser Le Monde, la chair et le diable, Ranald MacDougall avait déjà collaboré avec la MGM, le producteur Sol C. Siegel et l'actrice Inger Stevens. Sorti en 1957, le film s'intitulait Man on Fire et racontait la lutte engagée entre deux parents pour récupérer la garde de leur enfant.
Mécontent des rôles qu'il a joué dans sa carrière cinématographique, Harry Belafonte fonde en 1959, Harbel, sa propre société de production. En obtenant les droits du film Le Monde, la chair et le diable, l'acteur conjugue son désir d'incarner un personnage d'envergure à celui d'interpréter des chansons. Le film lui permet de chanter trois titres (I don't like it here, Gotta travell on et Fifteen) sur des airs de calypso, genre musical qu'il a lui-même inventé.
En plus de son rôle dans Le Monde, la chair et le diable, Harry Belafonte joue en 1959 dans un autre film indépendant produit par sa compagnie : Le Coup de l'escalier. La même année, l'artiste connaît aussi un triomphe au Carnegie Hall de New-York, où il donne l'un de ses concerts les plus mythiques.
Pour amplifier l'ambiance de fin du monde, c'est le compositeur Miklós Rózsa qui a été choisi. Après le film de Ranald MacDougall, ce dernier a composé la musique de deux autres films de science-fiction, La Guerre des cerveaux en 1968 et C'etait demain en 1979.
En 1959, une autre production s'inspire du thème de l'apocalypse, quelques mois après la réalisation du Monde, la chair et le diable. Réalisé par Stanley Kramer, Le Dernier rivage s'inspire d'un roman de Nevil Shute. Après une guerre atomique, l'hémisphère nord a été détruite à l'exception de l'Australie et seuls quelques hommes ont été épargnés (Gregory Peck, Fred Astaire, Anthony Perkins et Ava Gardner).
En 1986, un remake du Monde, la chair et le diable a vu le jour. Réalisé par Geoff Murphy, Le Dernier survivant n'est pourtant pas une adaptation officielle, même si le thème post-apocalyptique ainsi que la présence d'une femme et deux hommes confrontés à la différence, s'en rapprochent énormément.