Bah voilà : à force de taxer les Allemands d’expressionisme, ils donnent maintenant dans l’inexpressionisme. Toujours, par contre, avec l’idée de s’affirmer : l’armure d’évocation miséreuse est transpercée par un rire non refoulé parvenant à force à habiter les grandes coquilles de personnages de leur luciole de lueur.
Toutefois, Nina Hoss transporte son monde, & je ne veux pas dire par là qu’elle séduit les foules : elle emporte littéralement tout son environnement avec elle, comme si rien n’existait en-dehors de son regard. Le dénouement, à l’instar du titre explicite, nous apprendra que c’est exprès. Il faut apprendre, avec les dernières images, à se défaire de cette impression tenace de petitesse qui nous enserre, & accepter qu’on se soit fait berner pour qu’elles seules, ce petit moment au bout du bout, soit performant.
Ce n’est donc pas par mauvaise foi que je transfère l’étouffement sur le subjectif : l’œuvre EST trop étroite & renfermée sur elle-même. En revanche, elle a une direction, assez floue & à court terme, mais renforcée par des dialogues proactifs qui vont à contresens du mouvement inexpressionniste que je mentionnais : un mot peut déclencher une cascade de paroles sensées auxquelles il est assez incroyable qu’on puisse accrocher comme elles consistent majoritairement en un jargon banquaire qui n’est pas gêné d’être hors-sujet 100% du temps. Vous verrez, on se fiche totalement de ce qu’il se passe & de ce qu’on dit – des négociations, des estimations de capital… c’est inintéressant & improductif, pourtant il est difficile de prétendre que c’est du vide.
Le vide se situe plutôt dans les trop nombreux plans en voiture que mon inintérêt pour la chose automobile n’a pas suffi à censurer : beaucoup de véhicules, trop de bouche-trous pour les garer à un endroit ou un autre. Pas étonnant qu’on doive rembourrer un scénario minimaliste : on peut facilement rester concentré dessus mais il fait bien de se contenter de 85 minutes : on peut même dire, effectivement, que c’est un film de dix minutes, un joli tremplin pour le modèle scénaristique qui sera utilisé cinq ans plus tard dans Les Revenants.
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