Tête d'or : les secrets du tournage

Tête d'or, première oeuvre de l'écrivain et diplomate Paul Claudel, fut écrite en 1890, alors que l'auteur avait tout juste vingt-trois ans. En 1894, il remanie sensiblement son oeuvre et sort une seconde version de sa pièce. Classique du répertoire théâtral, la pièce est par ailleurs régulièrement donnée à l'étude dans l'enseignement universitaire et scolaire.

Les 26 personnages que compte la pièce sont tous incarnés par des détenus. Leur profil pénal est très varié. Certains sont condamnés à de longues peines, d'autres plus courtes, récidivistes ou non; de toutes nationalités et de tous âges. Béatrice Dalle était la seule actrice professionnelle sur le plateau. De l'aveu même de Gilles Blanchard, "dans l'inconscient collectif, elle n'est pas étrangère à cet univers des détenus. Elle a, dans ses rôles et dans sa vie, elle-même flirté avec cette limite à ne pas dépasser." Et d'ajouter : "Comme les détenus, elle est inattendue dans l'univers claudélien et, comme eux, personne ne l'imagine dans ce grand rôle de répertoire. N'ayant reçu aucune formation théâtrale pour devenir actrice, elle est aussi démunie que les détenus /acteurs face à cette langue et à la contrainte de la versification claudélienne."

Tourner en milieu carcéral n'est pas chose aisée. Outre les nombreuses demandes et démarches qu'il faut entreprendre auprès de l'Administration pénitentiaire, la prison est surtout ponctuée par des événements qui peuvent venir perturber le tournage. Gilles Blanchard se souvient : "Le fonctionnement carcéral ne permet pas un tournage classique. Il se réalise à l'intérieur de la prison dans les lieux accessibles et autorisés : salla commune, cellule, promenade extérieure, couloir, parloir, infirmerie, atelier, zones neutres intérieures et extérieures...Certaines zones restent totalement inaccessibles pour des raisons de sécurité : miradors, toits terrasses, circulations intérieures autout de l'enceinte. En revanche, nous avons tourné des séquences dans des lieux relativement secrets, tels que les quartiers disciplinaires ou d'isolement."

En janvier 2005, Béatrice Dalle a épousé le détenu connu sous le pseudonyme de Guenaël, à la prison de Brest. Âgé de 31 ans, c'est lui qui incarne le rôle-titre du film.

Gilles Blanchard explique les raisons pour lesquelles il a choisi de situer l'histoire du film en milieu carcéral. "Le Centre Pénitentiaire de Ploemeur est l'unique décor de cette fresque claudélienne. Les personnages sont tous incarnés par des détenus de la prison. Seule la princesse est une actrice professionnelle, Béatrice Dalle. L'histoire, la langue de Claudel, les costumes détournent ces murs de béton de leur fonction initiale; l'enceinte devient le château du vieux roi, la citadelle aux portes du désert. Mais la population carcérale, détenus et surveillants, l'univers sonore de la prison restent omniprésents. En prison, la contrainte n'est pas choisie et chacun doit affronter sa culpabilité. Quelles issues ces hommes trouvent-ils pour échapper à ce destin ? Comme pour Claudel à 19 ans, Tête d'or a représenté une issue possible, une voie qu'il ne quittera plus. [...] Le temps du tournage, la porte de la prison s'est entr'ouverte. Si le détenu est "mis à l'ombre", l'acteur est mis dans la lumière."