Il y a quelques années, Jonasz chantait "Changez tout". Ici, Eliane (Emmanuelle Devos, formidable, comme d'habitude) voudrait changer elle aussi, mais elle ne sait pas vraiment quoi. Son mari est prévenant, leur couple reste très soudé malgré les années, son métier (institutrice en école maternelle) ne lui déplaît pas, sa famille lui est fondamentalement nécessaire quoiqu’un peu envahissante (beau portrait de mère juive). Alors quoi, qu’est-ce qui ne va pas ? Un petit manque de reconnaissance, un besoin de poésie, une envie d’un supplément d’âme dans sa vie, même si cela doit lui apporter quelques emmerdes… Thème répandu et accrocheur chez tous ceux qui se baladent dans leur vie comme défaits par les événements, ayant abandonné leurs rêves illusoires au profit d’un semblant de confort matériel, moral et sentimental. Les réponses d’Idit Cebula sont un peu trop balisées, un peu trop simples, mais les questions posées sont émouvantes, dans la façon de les esquisser, puis de les lancer franchement, afin de voir les dégâts qu’elles occasionnent. En cela, le personnage de Sylvain (Gérard Darmon, naturel, inventif, drôle) est aussi intéressant que celui de sa femme, car on peut imaginer qu’un jour, comme elle, il n’en pourra plus de sa vie banale, à moins qu’il n’ait déjà traversé cette crise dont on dit qu’elle frappe à la quarantaine.
Le film laisse tout de même pas mal de liberté d’interprétation au spectateur, avec un aspect un peu foutraque à l’image des carnets qu’Eliane-Emmanuelle Devos écrit et dessine. On sent une grande sincérité dans la démarche de la réalisatrice, comme si elle faisait elle-même son carnet secret, comme si elle découvrait elle aussi le plaisir de sortir des chemins tout tracés. Un joli film en forme d’espérance, un petit remède contre la morosité, mais qui décevra les amateurs de rigueur et de réalité : les deux milieux professionnels décrits (l’école maternelle et l’édition) paraissant complètement à côté du réel.