Bon, c'est classique, les semaines avant Cannes, c'est marée basse. Peu emballé par "L'Ecole des dragueurs" ou "Steppin", je me suis dit pourquoi pas un Wu Xia Pian à la sauce wasabi ? Les extraits me laissaient espérer un version nipponne de "Tigres et Dragons" ou "Le Secret des poignards volants", d'autant plus au vu de l'air de ressemblance entre Yukie Nagama et Zhang Ziyi. Las ! Oscillant entre le ridicule et le grandguignolesque, "Shinobi" souffre en plus d'une narration confuse qui m'a rappelé le premier manga que j'avais lu à l'occidentale...
Dans les films chinois, le spectateur en arrive à trouver normal de voir les personnages marcher au sommet des bambous, tant la façon de filmer et de monter est fluide. Ici, on a l'impression de faire un saut en arrière, non pas au début du shôgunat, mais à l'époque du Club Dorothée et de ses séries cucultes, "Bioman" ou les "Power Rangers". Mêmes personnages grotesques (la palme à la "femme au souffle de poisson", au pays du sushi, ça fait peur, juste devant celle qui se bat à coups de papillons), mêmes déplacements "Oh, il est plus là !!! Ah ben tiens, il est là-haut !!!", même image plate, mal éclairée, avec des erreurs de filtres qui sautent aux yeux.
On est loin aussi de "Ran" ou de "Kagemusha", dont on n'a emprunté que quelques armures ; l'histoire est tirée d'un roman de 1958 de Futaro Yamada, qui lui même a été adapté dans le manga "Basilisk", auquel Shimoyama a été assez fidèle, notamment du point de vue graphique. Cela nous donne des personnages bien plus révélateurs du Japon d'aujourd'hui que de celui de la période d'Edo, à commencer par Gennosuke coiffé comme Jackie Quartz, ou Tenzen avec son look de joueur de heavy metal.
Je ne peux décemment dénoncer la niaiserie des Marvels Comics avec leur Surfeur d'Argent et leurs 4 Fantastiques, et m'extasier devant des histoires toutes aussi ineptes de ninjas cracheurs de flêches ou de guerrière au regard qui tue. "Shinobi" illustre une nouvelle fois combien les effets spéciaux peuvent devenir gênants quand ils ne sont pas au service d'une véritable narration. Ultra-japonais en apparence, ce film est en réalité une manifestation du nivellement et de la mondialisation du cinéma qui produit le même genre de marchandises filmiques aux quatre coins du globe. Mieux vaut aller voir un bon vieux Kitano ou même "Kamikaze Girl" pour avoir un regard réellement dépaysant et original sur le cinéma nippon d'aujourd'hui.