Pour ce troisième épisode des expériences du Baron Frankenstein, la Hammer a décidé de faire table rase des deux premiers opus (les réussis "Frankenstein s’est échappé" et "La revanche de Frankenstein"). L’explication est sans doute à trouver du côté de la présence dans l’équation d’Universal (à qui l’on doit le "Frankenstein" original avec Boris Karloff et toute l’iconographie qui vaut aujourd’hui encore), le studio américain s’étant chargé de la distribution du film. Résultat, La Hammer, qui avait interdiction jusque-là de puiser des scénarios ou de l’apparence légendaire du Monstre, s’est vu libérée de toutes ses contraintes artistiques. Et, malheureusement, cette autorisation de s’inspirer de son illustre aîné est venu considérablement affaiblir ce qui faisait l’originalité de la saga jusque-là. L’intronisation du Baron comme attraction principale des films, le maquillage terrifiant de Christopher Lee ou encore le développement du rôle de l’assistant sont autant d’excellentes idées engendrées par les contraintes auxquelles la Hammer été soumises. Avec "L’empreinte de Frankenstein", on assiste à un retour aux sources qui s’apparente davantage à une sorte de remake qui tente d’allier les bases fondatrices du mythe imposées sur grand écran par Universal et les innovations apportés par la Hammer. Et c’est peu dire qu’on a un peu de mal à y trouver vraiment son compte. L’exemple le plus symptomatique est, évidemment, l’apparence du Monstre qui retrouve son front disproportionné, sa démarche lourde et son costume sombre (comme l’était Boris Karloff)… mais qui doit supporter un maquillage en carton-pâte assez grotesque. Difficile, dès lors, d’être effrayé par ce Monstre, plus ridicule que terrifiant et, qui, surtout, ne permet pas à son interprète (l’inconnu qui l’est resté Kiwi Kingston) d’exprimer une quelconque émotion. Le Monstre n’est pas le seul défaut du film, qui souffre, également, d’une intrigue bancale (ou plutôt mal construite) qui tente d’articuler entre différents axes scénaristiques des films d’Universal, sans forcément les rendre cohérents. On retrouve, ainsi,
le retour non désiré de Frankenstein dans son ancien village, encore traumatisé de ses expériences passées (comme dans "Le Fils de Frankenstein"), le salopard qui va utiliser la pauvre Créature comme arme pour assouvir sa vengeance (comme Ygor dans "Le Fils de Frankenstein") ou encore le final qui voit le Monstre et son Créateur mourir dans l’explosion de leur demeure (comme la fin initiale de "La fiancée de Frankenstein" et la fin du "Fantôme de Frankenstein")
. C’est un peu dommage car le film partait plutôt bien et s’avérait même intrigant pendant sa première moitié
(jusqu’à la découverte de la Créature prisonnière des glaces en fait)
. La seconde moitié n’est pas non plus mauvaise mais elle manque singulièrement d’originalité et de rythme… ce qui fait beaucoup quand on est déjà handicapé par un monstre risible. Heureusement, "L’empreinte de Frankenstein" peut compter sur un casting, comme toujours impeccable avec, en tête, l’impérial Peter Cushing en Frankenstein moins psychopathe que dans les précédents opus, mais, également, Peter Woodthorpe en hypnotiseur sanguinaire et Katy Wild en intrigante mendiante muette. Seul ombre au tableau, l’assistant joué par Sandor Eles, qui manque cruellement de présence (surtout après les excellents Robert Urquhart et Francis Matthews qui campaient un rôle similaire dans les épisodes précédents). Et puis, on retrouve, à nouveau, cette ambiance si particulière des films du début de règne de la Hammer, avec ces décors typiques et sa BO outrancière. "L’empreinte de Frankenstein" reste, donc, un divertissement plutôt agréable… mais qui, à trop vouloir coller à l’illustre passé d’Universal, a perdu un peu de ce qui faisait le caractère de ses prédécesseurs.