A la question "que voulez-vous que le spectateur retienne de votre film ?", Etienne Chatiliez répond : "Mon but est toujours le même : raconter le pays dans lequel je vis en me servant de l'humour comme d'une arme. Dire des choses graves de façon légère est une façon de les véhiculer."
"C'est très agréable de travailler avec lui parce qu'il tourne lentement, il prend son temps. Il y avait des jours qui étaient quasiment des vacances : j'avais juste une rue à traverser. Mais on a bien rigolé aussi tous les deux, tout le temps. On a vécu ensemble pendant presque deux ans, je n'avais jamais travaillé aussi longtemps avec quelqu'un."
Le tournage d'Agathe Cléry a duré 21 semaines, et le film a coûté... 21 millions d'euros.
Si Valérie Lemercier est nouvelle dans l'univers d'Etienne Chatiliez, ce n'est pas le cas d'Isabelle Nanty, qui signe ici sa troisième collaboration avec le réalisateur, après Tatie Danielle et Le Bonheur est dans le pré.
Célèbre, entre autres, pour ses opérations destinées à changer sa couleur de peau, Michael Jackson est présent dans Agathe Cléry via l'imitation qu'en fait Valérie Lemercier. Une présence qui a même été plus importante, lorsque le long métrage avait pour nom de code...Micheline Jackson.
C'est grâce à l'Airbrush (de l'aérosol combiné avec des produits utilisés pour maquiller les prothèses dans le cinéma) que les maquilleurs ont pu brunir la peau de Valérie Lemercier. Des produits à priori inoffensifs, qui nécessitaient toutefois que le comédienne ne boive pas pendant le tournage, pour éviter tout risque d'allergie.
Au début, Etienne Chatiliez avait écrit le scénario d'Agathe Cléry sans penser à quiconque pour interpréter le rôle titre. Puis le nom de Valérie Lemercier lui est venu à l'esprit pendant un concert de... Alain Chamfort.
Il aura fallu beaucoup de répétitions mais, au final, ce sont bien les acteurs du film qui interprètent leurs numéros chantés.
Il y a en tout 393 danseurs qui apparaissent dans Agathe Cléry.
Lors des scènes musicales d'Agathe Cléry, Etienne Chatiliez mélange des vrais danseurs et des gens "normaux", comme il l'explique : "La comédie musicale est très souvent filmée en studio, dans un monde irréel. Moi, je voulais faire une comédie musicale ancrée dans la réalité, avec des décors naturels, faire surgir la fantaisie, la poésie, le rêve dans le réel. C'est pour cette raison que j'ai choisi des gens de tous âges, de toutes confessions, de tous sexes... De tout pour faire un vrai monde."
"Le scénario est construit de façon classique, un peu comme une dissertation. Thèse, antithèse et synthèse. Le sujet nous y obligeait. On aurait pu en faire un drame, mais ce n'est pas ma façon de m'exprimer. Mais on parle aussi d'autre chose dans ce film, on parle d'abord et surtout de l'amour à travers une histoire à la Roméo et Juliette, on est dans un Docteur Jivago musical, dans les Horace et les Curiace... : comment mettre un mouchoir sur ses préjugés et aimer quelqu'un du camp adverse. Et même à travers la comédie musicale, on fait passer des sentiments, des émotions, qui n'ont plus rien à voir avec la raison mais qui penchent du côté de l'Art."
Outre le racisme, Etienne Chatiliez aborde ici d'autres thèmes comme l'entreprise, le marketing ou la réussite sociale : "J'y tenais parce que, ce qui m'intéresse toujours, c'est de parler de mon pays, et de l'époque dans laquelle on vit. Nous vivons dans un monde capitaliste où tout s'achète et se vend, où seule compte la réussite. Il n'existe plus nulle part au monde de contre-exemple. Tout ce qui branche les jeunes c'est de gagner de l'argent. L'idéologie de ma génération, celle de 68, n'existe plus. Même si tout le monde ne l'a pas suivie, au moins on pouvait se poser des questions. Aujourd'hui, il n'y a plus qu'un seul modèle. Tant qu'on représente une valeur marchande, ça va, mais à tout moment ça risque de s'arrêter."
A la base, le personnage principal d'Agathe Cléry aurait du être un homme, comme l'explique Etienne Chatiliez : " Au début, j'ai imaginé le film à New York. Le héros était un jeune homme qui travaillait dans une tour, et qui cachait qu'il était raciste. Et puis j'ai finalement choisi la France et une héroïne. Avec Laurent Chouchan, le scénariste du film, nous n'avons pas voulu traiter l'aspect psychologique de la métamorphose. Nous n'avions pas envie de refaire Monsieur Klein."
Malgré son traitement volontairement comique et décalé, Agathe Cléry s'inspire d'une histoire vraie : celle d'une femme blanche résidant en Afrique du Sud et qui, pendant l'Apartheid, a contracté la maladie d'Addison, et ainsi vu sa peau s'assombrir. Déjà à l'origine du sujet de Tanguy, c'est Yolande Zauberman qui a fait part de cette histoire à Etienne Chatiliez et, par extension, fait naître le personnage d'Agathe Cléry.
Six films réalisés en vingt ans : c'est le chiffre qu'atteint Etienne Chatiliez avec Agathe Cléry.