L'histoire du film remonte à 1937, avec un recueil d'histoires courtes écrites par Christopher Isherwood. En quête d'expériences exotiques, l'écrivain vécu dans le Berlin décadant des années 1930, peu avant l'avènement au pouvoir d'Adolf Hitler, en 1933. Fin observateur des moeurs, il décrivit la corruption et la décadence ambiante dans l'Allemagne pré-Nazi dans deux histoires : "Sally Bowles", écrite en 1937, et "Goodbye to Berlin", en 1939. Ces deux histoires furent publiées en 1954 sous le titre "Berlin Stories", qui était une compilation regroupant tous les textes qu'il écrivit pendant ses années d'errance à Berlin. Scénariste du film, John Van Druten adapta en 1952 pour le théâtre une partie des oeuvres de Christopher Isherwood. Intitulée "I am camera", cette pièce allait devenir quelques années plus tard le film. Après une nouvelle adaptation en 1955 dans laquelle Julie Harris tenait le rôle de Sally Bowles et Laurence Harvey celui de Brian Roberts, l'oeuvre est transformée en comédie musicale à Broadway. Jouée pour la première fois le 2 novembre 1966, elle fut un véritable triomphe avec 1165 représentations, et remporta même le Tony Award du meilleur spectacle musical.
Afin de mieux se préparer pour son rôle, Liza Minnelli sollicita l'aide de son père, le grand Vincente Minnelli. Ce dernier écuma les boutiques d'antiquaires de Paris afin de lui dénicher divers effets et accessoires qui pourraient venir garnir la garde-robes de son personnage !
John Kander et Fred Ebb ont collaboré avec Joe Masteroff pour créer le livret musical de la comédie à Broadway. Pour le film, ils abandonnèrent cinq chansons mais en écrivirent trois nouvelles : "Maybe This Time", "Mein herr", et "The Money Song". Les deux compositeurs furent fidèles à Liza Minnelli, et travaillèrent à ses côtés pendant près de 30 ans : depuis le spectacle "Flora the Red Menace" en 1965 jusqu'à "The Rink" en 1984.
Durant l'été 1971, ABC déclara vouloir se retirer de la production de films. Martin Baum, producteur et surtout président de la chaîne, géra donc la post-production des derniers films qui étaient encore sur la table de montage, parmi lesquels Chiens de paille et Junior Bonner de Sam Peckinpah, ainsi que...Cabaret. Suite à une projection test catastrophique, Martin Baum, Bob Fosse et Cy Feuer décidèrent d'aller à Los Angeles et de remonter intégralement le film. Il fallu quatre semaines pour remonter le film, bobine après bobine, plan par plan, séquence par séquence.
Le film fut intégralement tourné en Allemagne de l'Ouest : Bob Fosse était en effet très soucieux que l'atmosphère allemande imprègne son film. Les scènes d'intérieurs ont été tournées aux célèbres studios Bavaria de Munich (qui accueilleront 10 ans plus tard le tournage du Das Boot de Wolfgang Petersen). Afin d'être le plus précis possible auprès de son directeur de la photographie Geoffrey Unsworth, sur l'image et l'ambiance qu'il souhaitait trouver dans son Cabaret, Bob Fosse lui montra des dessins des célèbres artistes George Grosz et Otto Dix. "Pour préparer le casting à chaque scène" raconta Liza Minnelli, "Bob nous passait la chanson de Marlene Dietrich, "Falling in Love Again". Il était constamment soucieux de l'authenticité". Cette célèbre chanson fut chantée par l'actrice dans le mythique Ange bleu de Josef von Sternberg, réalisé en 1929. Pour la petite histoire, ce film fut la première oeuvre parlante allemande.
En 2003, Cabaret fut choisi par la prestigieuse Smithsonian Institution -fondée en 1843 aux Etats-Unis- parmi dix films à préserver pour les générations futures. En 2007, l'AFI (American Film Institute) classa le film de Bob Fosse à la 67e place des 100 meilleurs films de tous les temps.
D'origine juive, Joel Grey fut d'abord très réticent à aller tourner en Allemagne. Il explique : "j'étais terrorisé à l'idée d'aller tourner là-bas. Je n'avais d'ailleurs jamais voulu y aller. Je me souviens que lorsque je suis descendu de l'avion de la Lufhtansa, je me disais que tout allait bien, que j'étais excité à l'idée de tourner le film. Pourtant, lorsque j'ai foulé le sol allemand, je me suis à sangloter. Je n'arrêtais pas de pleurer. Je pense que ce sont tous les souvenirs, tout le poids du passé et évidemment ce qui s'est passé durant la Seconde guerre mondiale à l'égard des juifs qui sont remontés à la surface".
Bob Fosse, notoirement connu pour ses mises en scène de spectacles musicaux à Broadway, décrivait ainsi Cabaret : "il ne s'agit pas d'une copie de la version musicale de Broadway, mais plutôt d'un drame accompagné de musique, ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Ce n'est pas My Fair Lady. C'est une vraie histoire sur des temps très sombres. C'est un cauchemar moderne en chansons et en danses".
Bob Fosse ne fut initialement pas du tout attaché au projet. Les premiers noms qui circulèrent étaient Billy Wilder et Gene Kelly, qui déclinèrent tous les deux l'offre. Le premier préféra mettre en scène Avanti!, tandis que la carrière de Gene Kelly, biern qu'il continua à tourner, était nettement sur le déclin.
C'est Joel Grey qui prête ses traits au personnage culte d'Emce, le maître de cérémonie du Kit kat Klub. Un rôle qu'il avait également tenu sur les planches de Broadway et pour lequel il avait remporté en 1967 le Tony Award du meilleur acteur dans un spectacle musical. L'acteur se souvient d'ailleurs d'un tournage difficile : "nous avons travaillé dans des conditions très difficiles. Bob Fosse venait juste de réaliser Sweet Charity, qui avait été nominé trois fois aux Oscars. Et malgré cela, les producteurs ne voulaient pas investir beaucoup d'argent pour Cabaret. Du coup, nous avons fonctionné comme une sorte de petite famille, en se serrant les coudes, en mettant énormément de passion dans ce que nous faisions. Je pense que cet aspect a finalement beaucoup servi le film. Chacun donnait le meilleur de lui-même, sans imaginer un seul instant que le film aurait autant de succès".
Une vraie curiosité : Cabaret est, en dépit de ses huit Oscars, le seul film autant récompensé à ne pas avoir remporté l'Oscar du Meilleur film. Par ailleurs, Liza Minnelli, Oscar de la Meilleure actrice, est encore à ce jour la seule actrice à avoir remporté un Oscar tandis que ses parents (Judy Garland et Vincente Minnelli) furent eux-mêmes récompensés par un Oscar (respectivement en 1940 pour Judy Garland et 1959 pour le cinéaste).