Antoine de Caunes se souvient d'avoir vu Coluche sur scène au Gymnase, d'être allé à deux reprises à des fêtes chez lui rue Gazan et de l'avoir invité un peu plus tard aux Enfants du Rock. "On s'était retrouvé au studio Ramsès, avec les musiciens du groupe Odeurs et Ramon Pipin, qui a signé la musique du film, confie-t-il. Coluche avait chanté deux rocks et l'on avait enchaîné sur une interview autour d'un énorme pétard qu'il fumait en me vantant les mérites des herbes de Provence ! Donc je peux dire que j'ai approché Coluche, et dans de bonnes conditions, mais ce n'est pas quelqu'un que j'ai intimement connu. Autant j'étais très pote avec Desproges, autant je ne l'ai connu, lui, que d'une manière que je qualifierais de joyeusement mondaine."
Ce sont les producteurs Edouard de Vesinne et Thomas Anargyros qui sont à l'origine du projet et qui ont transmis à Antoine de Caunes un scénario qu'ils avaient préalablement commandé au journaliste Diastème. Au départ, il s'agissait d'un biopic retraçant en gros les vingt dernières années de la vie de Coluche, du café de la Gare à sa fin. "Je le lis avec intérêt, d'abord parce que l'auteur est un ami et qu'il a du talent, se souvient le cinéaste, et je trouve qu'il s'est dépatouillé aussi bien qu'il pouvait d'un exercice de style dont, au final, je ne vois pas l'utilité. Je ne vois pas pourquoi passer par la fiction pour raconter une histoire que l'on connaît à peu près tous, autour d'un personnage qui n'a pas de zone d'ombre à ce point profonde pour qu'on y fasse descendre le bathyscaphe. J'ai vu quinze documentaires sur Coluche, je sais à peu près tout sur lui alors pourquoi moi spectateur irais-je voir un film sur lui au cinéma. Je décline donc, dans un premier temps. Mais en même temps ça me titille. L'idée se met à germer et je me dis qu'il y a quelque chose à faire sur cette période du passage des années 70 aux années 80, celle où la vieille France bascule, où Coluche bascule et où j'entre dans la carrière - sur ce Coluche que j'ai admiré, que j'aime, et dont la parole manque cruellement aujourd'hui. Alors j'y réfléchis et à un moment, bingo, je me dis : "bon sang mais c'est bien sûr !" Là où il y a quelque chose à raconter sur Coluche, là où il est au carrefour de choses qui le dépassent complètement, qu'il va affronter et qui vont complètement le casser en deux, bref là où il y a une dramaturgie, c'est le moment des élections. Depuis le moment où, sur un coup de tête, il décide, pour foutre la panique et s'amuser, de se présenter aux élections présidentielles, jusqu'au moment où il renonce. Ce qui se passe pendant ces quelques mois l'a transformé profondément, lui a fait perdre de la légèreté, de la grâce, de l'insouciance, lui a fait connaître le tourment. Et là pour moi il y avait soudain un film sur un homme confronté à ses contradictions, à la réalité, sur une toile de fond politique qui à mes yeux a une résonance aujourd'hui et à ce moment-là, finalement, j'ai dit oui aux producteurs."
Désormais aux commandes du projet, Antoine de Caunes s'est remis au travail avec Diastème, démontant complètement le premier scénario, le recentrant sur les élections de 1981 et se posant la question de savoir qui allait incarner Coluche. "Une question essentielle puisque sans l'acteur, il n'y avait pas de film, explique le réalisateur. Sur certains projets, on peut changer, mais pas là. Il me fallait le comédien capable d'incarner Coluche, d'être plausible à l'écran et surtout pour moi puisque j'allais l'avoir sous la main ou plutôt sous les yeux pendant des mois et des mois. Un jour, mon directeur de casting, Michaël Laguens, avec qui j'avais travaillé sur mon précédent film, m'a dit : "Va voir Demaison à la Gaîté Montparnasse." Il jouait depuis six mois, ça commençait à bourdonner un peu. Je vais voir le spectacle de François-Xavier, sans trop savoir l'histoire du fiscaliste qui devient comédien après l'attentat du 11 septembre. Et après quelques minutes de représentation, je sais que c'est lui. Je ne saurais pas expliquer pourquoi mais je le regardais et j'ai eu l'intuition absolue que c'était lui. Et à partir de ce moment-là ça ne pouvait être personne d'autre."
François-Xavier Demaison explique avoir abordé son personnage avec beaucoup d'humilité. "J'ai essayé de le faire vivre dans ma matière, confie le cinéaste. Je suis ce que je suis. Je ne suis pas le sosie de Michel Colucci. Mais j'ai essayé de faire un travail d'acteur suffisant pour qu'à un moment donné il apparaisse en moi. C'est-à-dire qu'il utilise ma matière pour "revenir" en quelque sorte. C'était ça ma démarche. Très peu de maquillage, pas d'utilisation de prothèses en latex... C'est ma voix (elle n'est pas transformée), c'est moi qui chante les chansons, c'est moi qui joue les sketches... Et le plus beau compliment que j'ai eu, c'est un des musiciens de Coluche qui me l'a fait. Il m'a dit : "C'est Coluche dans la peau d'un autre." Ça résume toute ma démarche."
Pour composer, et non pas imiter le célèbre humoriste, François-Xavier Demaison a dû prendre 14 kilos, "travailler la voix et le geste" et "saisir la sensibilité de Coluche". "C'était comme pour un combat, raconte le comédien. Il y a eu une préparation physique. Il m'a fallu prendre du poids, travailler avec des coaches, le physique, la matière, la voix... Et puis à un moment, il est arrivé. Doucement. Des choses sont apparues. J'ai chopé des gestes. Il y a eu des déclics. Et quand il y avait un déclic, on fêtait ça. Parfois, pendant des semaines, j'ai eu l'impression de ne pas avancer, de pédaler dans le vide et puis tout à coup... un déclic. Comme quand je n'arrivais pas à pousser ma voix dans les aiguës ! Ça a été artisanal et laborieux. Mais au cours de ce travail, j'ai compris des choses sur Coluche, sur son essence, sa manière de respirer, son rythme, son énergie... Ce sont des milliers de petites choses dont je me suis nourri et qui une fois digérées sont ressorties à travers moi."
Antoine de Caunes a souhaité tourner ce film à la manière d'un reportage. Il explique sa démarche : "je me suis demandé ce qui se serait passé si, à l'époque, j'avais fait une émission comme "Envoyé Spécial" et que j'avais eu le total accès à la vie de Coluche. Qu'il m'ait laissé tout tourner, sans restriction, la scène, le privé, l'intime. Qu'est-ce que j'aurais fait ? Ça, ça a déterminé ma mise en scène, la position de ma caméra. Et du coup, je ne le quitte jamais. Je voulais donner cette impression d'être dans l'intimité du personnage. Donc on a beaucoup filmé à l'épaule et quelle épaule, celle du grand Berto ! Mais sans tremblements façon Space Mountain ! Toujours à deux caméras pour aller choper des trucs pendant que ça discute. Et puis j'ai été aidé par le splendide travail sur la lumière de Thomas Hardmeier qui pose immédiatement la convention de l'époque."
Pour mieux nous plonger dans l'époque, Antoine de Caunes a choisi de confier la musique à Ramon Pipin, qui était un des musiciens de Coluche. "Le choix de Ramon est très simple : il est au coeur de l'histoire, explique le réalisateur. Il y a plein de passerelles entre Coluche, Odeurs et Au Bonheur des Dames (deux groupes dont Ramon Pipin était leader), c'est la même bande, ils sont tous super potes. J'aimais beaucoup la musique qu'il a composée pour les films de Dupontel. Et puis il a naturellement le son de l'époque. Celui du rock qu'aime Coluche. En plus de cette musique écrite par Ramon, il y a la musique qu'on entend chez Coluche et qui provient du juke-box : du rockabilly, du rock français. Et puis il y a la musique de fond, celle de l'époque : les Pretenders, les Clash, les Specials. Ces trois sources musicales font une bande son riche. Un plaisir pour le mélomane qui sommeille toujours en moi !"
Antoine de Caunes a confié deux petits rôles à deux femmes qui comptent beaucoup dans sa vie : sa fille Emma, qu'on aperçoit en infirmière, et sa femme Daphné Roulier, qui joue une journaliste télé. Le réalisateur commente : "Emma, ça m'amuse de l'avoir dans mes films, mais je n'ai pas encore trouvé le rôle pour la distribuer. Je trouve ça assez complexe de diriger sa propre fille, mais vraiment j'ai beaucoup d'admiration pour son travail. Mais là n'ayant pas de rôle pour elle, je lui ai juste demandé de faire une apparition. Et Daphné, c'est parce que ça m'amusait. Elle a tellement ce ton journalistique. Il a juste fallu la transformer en un mix de Patricia Charnellet (journaliste d'Antenne 2 dans la période concernée) et de Marie-France Garaud (avocate et femme politique)."
Lors de la sortie en salles, Paul Lederman, l'ancien producteur et imprésario de Coluche, a engagé une procédure judiciaire à l'encontre de la société Cipango, productrice du film. Raison invoquée à cette assignation en référé : l'utilisation en sous-titre du film de la formule "l'histoire d'un mec", formule qu'il dit lui appartenir en tant qu'éditeur du sketch Histoire d'un mec sur le pont de l'Alma. L'imprésario, également connu pour ses différends avec Les Inconnus, a non seulement réclamé que cette mention soit retirée du titre mais aussi que Cipango lui verse la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon. Dans le long métrage d'Antoine de Caunes, c'est Olivier Gourmet qui tient le rôle du fameux manager, mais son nom avait volontairement été changé, car Paul Lederman n'avait pas donné son accord pour que son patronyme soit utilisé dans le film.
Le mardi 14 octobre 2008, on apprendra que le Palais de Justice de Paris a débouté Paul Lederman, rendant ainsi possible la sortie du film.