Adaptant une légende traditionnelle indonesienne, Garin Nugroho, quasiment inconnu en France, signe un opéra, chanté, chorégraphié, avec une dramaturgie et un récit amoureux, dont il faut saluer la personnalité visuelle et poétique. Il est très rare de voir des adaptations au cinéma d'un opéra, surtout quand celui-là est nouveau dans son genre, et qu'il provient d'indonésie! "Opera Jawa" serait pour ainsi dire un film touche à tout ; musical, documentaire, fictif, dansé, comique, mélodramatique, poème... et à trop faire, Nugroho se perd dans des dédales de n'importe quoi survenant n'importe où. Bien loin des messages concis et fluides que les grands opéras ont su faire passer (même si le sujet n'avait pas de mise en scène cinématographique), cet étrange et interminable ballet convoque à la fois le jeu du sosie (très Molièrien puisqu'il aboutit à l'histoire de tromperie amoureuse et d'illusion réceptive), les études comportementales de différentes classes sociales (même si le clivage n'est que trop vaguement établi tant le cinéaste englobe tout le monde dans le même geste), et le nectar de la culture indonésienne, rare, tirée d'une légende aux milles visages. Ici, on ne parlera même pas de la mise en scène ; très bonnes idées esthétiques, originalité des cadrages, personnalité des éclairages. Quelques scènes sont très réussies (notamment celle où Siti cache sous sa jupe un homme pendant qu'elle en caresse un autre). D'autres moins, perdant en crédibilité à cause d'un jeu d'acteurs souvent ridiculisé par l'apparition de gestes absurdes et grotesques, ne traduisant rien (ou tout, ça fait mieux). En fait, "Opera Jawa" est constamment piégé dans son propre but ; on voit à peu près ce que Nugroho cible dans cette fable humaine, mais la façon dont il le transmet (intellectualisme constructif, masse indigeste de sons, chorégraphies abstraites...), c'est-à-dire dans un esprit économe de sens mais misant tout sur les moyens et la flamboyance, rend son film totalement vain. Nu