Ah, la première vague de films catastrophe hollywoodiens. Cette mode qui a permis autant de gros ratages que d'expérimentations, comme le Sensurround cher et impratique qui causait des saignements de nez aux spectateurs, mais qui (insérez ici « oulalah ») reproduisait les vibrations d'un tremblement de terre dans la salle.
Earthquake est parmi les opus les plus représentatifs de cette démesure, et il a le mérite de ne pas seulement participer à ce fantasme de « sortir le cinéma du cinéma » avec des artifices paracréatifs.
Earthquake aura inspiré le San Andreas de Brad Peyton, prouvant que le style catastrophe a toujours été le nec plus ultra en termes de « frissons basés sur un danger réel » (la menace d'un superséisme plane de plus en plus sur Los Angeles et cette peur ne vieillit pas). Sauf que chez Robson, on n'a pas l'impression qu'on se fiche du spectateur en lui renvoyant bêtement ses craintes à la figure. Son set up imposant prend le temps de nous immerger dans une ville qui fonctionne très bien, et on ne peut guère lui reprocher de vouloir faire seulement de la destruction urbaine : quand une ville s'écroule, ce ne sont pas que des bâtiments qui s'effondrent et Robson tient à ce qu'on voie qu'il l'a compris.
Le corollaire de cette vocation est le caractère multicouche de l'œuvre. Dispersée entre plusieurs lieux et plusieurs personnages, elle a rangé ses drames par ordre d'importance pour qu'on ait toujours un truc auquel se raccrocher. Les films catastrophe ont ce trait en commun, cette tension constante et une sorte de déni de la fin de tout ; hélas pour Earthquake, elle est circonscrite à chaque décor et rien n'est vraiment connecté. Ça reste artificiel ; recherché oui, mais trop zoné.
Ce que le film fait de mieux, c'est la traversée de tout le processus de l'avant-pendant-après le cataclysme. Mais il a beaucoup de mal à combler l'espace entre les effets spéciaux grandeur nature et les miniatures. Celles-ci sont toujours convaincantes si l'on donne un peu du sien et qu'on ne fait pas attention aux vaches restant collées dans leur camion, debout, pendant qu'il se renverse. Cependant, la combinaison de nombreux soucis formels à un format narratif cousu de cliffhangers mal gérés conduit à en faire un mauvais film.
Bourré de trucages médiocres, aujourd'hui le film est laid. Pourtant, quitte à surprendre, j'ai envie de dire qu'il a bien vieilli. Son atmosphère urbaine étouffante, turbinant à la productivité du bon citoyen, entachée par les pétages de plombs sans subtilité de quelques âmes fragiles et soutenue par la sacralisation du sacrifice et du beau geste, tout ça conduit à faire de Earthquake LE film qu'on se devait d'aller voir avec tout le tralala commercial hyperaméricain qui l'entourait (Sensurround compris). Bien plus que le navet naïf qu'il est en surface.
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