Une super production hexagonale de près de trois heures réalisée par le maître français du genre à l'époque. Et une distribution internationale de rêve. Songez qu'on y trouve pêlemêle Claudia Cardinale, Jean Marais, Orson Welles, Jack Palance, Martine Carol…, et surtout l'irremplaçable Dominique Zardi. Quand on voit la constellation d'étoiles qui défile sous nos yeux, on peut facilement imaginer que le rôle de Napoléon Bonaparte allait échoir à un monstre sacré du cinéma français. Ce fut Pierre Mondy. Qui? Pierre Mondy? Celui de la septième compagnie? Le sergent Chaudard? C'est pas possible! Pas lui!
Ben si! Et il s'en sort très bien le petit Pierrot Enrôlé dans un marathon, il dicte, écrit, va voir une maitresse, fait les cent pas, vocifère, va voir sa femme, donne des ordres, des contre ordres, va voir une maitresse…, dans une farandole effrénée. Qu'on se le dise! Napoléon Bonaparte Mondy doit tout savoir, tout régenter.
Le film se divise en deux parties. La première traite de la période Bonaparte premier consul, jusqu'au sacre de Napoléon. La seconde, est entièrement consacrée à la bataille d'Austerlitz
Le premier acte, ça ressemble fort à du théâtre filmé. C'est trépidant. Tout y est. Jalousies, compromis, flagorneries, espionnage, tromperies, et un long chapelet de personnages se succédant, dont beaucoup portent un un nom de boulevard ou de station de métro parisien.
Puis, arrive la scène du sacre. Elle balaye comme un revers de main sur une crèche, les doutes qui s'étaient installés quant au budget serré de cette superproduction. On l'a déjà évoqué plus haut, Choisir un acteur de second plan pour incarner le rôle principal, et à contrario cantonner les superstars à des attributions subalternes, a du sacrément alléger la facture du casting. La première partie, exclusivement filmée en intérieurs, utilise souvent les mêmes décors; et la bataille d'Austerlitz est le plus souvent tournée en plans serrés, dans des décors également. Les plans larges en extérieurs étant très rares. Donc, on pouvait imaginer que la scène du sacre, qui aurait du être présentée comme le clou du spectacle, symbole fastueux d'un grand moment d'histoire, allait, elle aussi, se voir légèrement escamotée. Le grand Abel maniGance utilisa alors un stratagème digne des films les plus fauchés, ridiculisant ainsi des producteurs décidément trop avares. Rien que pour cette scène, ce film mérite d'être visionné. C'est du grand comique.
Justement, des situations comiques, le film n'en manque pas. Surtout ces séquences ou Bonaparte se trouve avec son majordome, qui sonnent très John Ford. Mais aussi celles où Pierre Mondy discute avec le grognard Michel Simon. Ce dernier lâchant par ailleurs, le mot de Cambronne lors d'un accrochage avec l'empereur. Léger anachronisme certainement voulu.
Austerlitz est une œuvre historique plaisante à regarder de bout en bout, sur ce qui reste aujourd'hui décrit comme la plus grande bataille victorieuse de l'histoire de France. C'est aussi la victoire d'un cinéaste génial, qui, malgré le manque de moyens mis à sa disposition, parvient à créer un divertissement d'excellente facture.