Conte ayant bercé son enfance, l’adaptation de l’histoire du fantastique maître renard a constitué un projet enthousiaste et de longue haleine pour Wes Anderson. Le réalisateur, fasciné depuis le début de sa carrière par l’étroitesse des liens du sang a vu dans cette fable une nouvelle occasion d’exercer son propos sur la famille. L’originalité cette fois (après un voyage dans la vie aquatique ou à bord du Darjeeling Limited) est de nous plonger dans les terriers d’une famille de renards confrontée à des voisins humains à l’humanité plutôt limitée à l’égard des adorables petites bêtes.
"Mr. Fox". Une véritable trademark que ce nom pour ce renard mondain, journaliste à la fameuse Gazette locale. Valorisé par sa silhouette élégante, fine et élancée, et d’emblée présenté comme un fin renard, astucieux et plein de surprises dans une séquence d’évasion savoureuse, le sympathique Mr. Fox se révèle vite être un truand rangé, mais qui, en éternel truand, rempile pour un dernier casse, plan de maître à la réussite "annoncée". Un personnage typé comme George Clooney en a déjà joué (en chair et en os – Danny Ocean) auquel il confère sa mythique nespresso attitude en prêtant à l’animal sauvage sa voix suave. Un choix plutôt rusé pour Mr. Fox qui regorge, tout comme son interprète, de gimmicks - authentiques marques de fabrique mises au service d’une personnalité haute en couleur et follement séduisante. Il est celui qui sort son épingle du jeu au cœur d’une galerie de personnages irrévérencieux dont l’humour d’une sublime finesse et la beauté forcent l’attachement…
Le parti-pris d’Anderson de travailler la stop-motion de manière artisanale, insufflant aux personnages un caractère palpable, vivant, leur petits poils comme soufflés par le vent, donne au film une qualité technique dont la volontaire "imperfection" assure l’authenticité et la subtilité. C’est ce genre de détail qui nous touche, nous émeut dans la fabrication d’un film à une époque où Pixar contreplaque sur écran géant une image haute définition et qui ne suscite la moindre émotion. Wes Anderson aime et respecte le cinéma. Et la musique : sa bande originale est une nouvelle playlist du meilleur goût, des musiques de Georges Delerue extraites des films de Truffaut à celles des Beach Boys, en passant par les Rolling Stones.
"Cinéaste familial" une fois encore confirmé, Wes Anderson délivre sa philosophie sur les liens familiaux qui fait de la différence et du décalage des êtres les uns par rapport aux autres quelque chose justement de très beau et voire même de carrément fantastique. Assisté au scénario de Noah Baumbach - également fin psychologue des relations humaines avec "Les Berkman se séparent" - et soutenu par sa famille de cinéma (Jason Schartzman, Bill Murray, Owen Wilson, Adrien Brody), il signe un nouveau chef d’œuvre aux motivations et aux partis-pris forts, très personnels et passionnés. Un conte d’automne survolté et intelligent, enchanteur et fantastique.