Oserais-je l'avouer, je n'ai jamais beaucoup aimé Roald Dahl. Dans ma vie antérieure d'instit, je n'ai jamais infligé la lecture de "Charlie et la Chocolaterie", de "James et la grosse Pêche" ou de "Matilda" à mes élèves, préférant d'autres auteurs britanniques comme Anne Fine ou Michael Morpurgo. Je trouvais ses personnages caricaturaux, les intrigues paradoxalement à la fois abracadabrantesques et stéréotypées, et les bons sentiments bien envahissants. Alors, vous me direz, pourquoi avoir encensé l'adaptation de "Charlie et la Chocolaterie" par Tim Burton ? Parce que la réussite incontestable du film repose à mon sens beaucoup plus sur ce que le réalisateur a insufflé de proprement burtonien dans le traitement des personnages et des décors, que sur les qualités propres de l'intrigue.
"Fantastic Mr. Fox" doit être une bonne adaptation : j'y ai retrouvé exactement les mêmes sensations qu'en lisant un roman de l'auteur gallois : un lent ennui qui m'envahit devant une histoire qui me devient de plus en plus étrangère au fur et à mesure que mon attention se focalise sur les grosses ficelles de sa construction. Cette impression d'extériorité est ici renforcée par la technique choisie, celle de de l'animation de marionnettes image par image, avec des prises de vue frontales et un rythme saccadé qui nous renvoie cinquante ans en arrière, aux belles heures de l'animation tchèque.
Contrairement à Burton, la patte de Wes Anderson s'efface au contact du roman, et il manque le burlesque déjanté de ses précédents films, à quelques rares exceptions, comme l'explication des règles du whackbat, un jeu qui se situe quelque part entre le cricket et le quidditch. Wes Anderson a expliqué que "Fantastic Mr. Fox" était le premier livre qu'il ait lu, et qu'il portait ce projet depuis plus de dix ans. Il a poussé la déférence vis-à-vis de Roald Dahl jusqu'à aller s'installer quelques temps à Gipsy House, la propriété de l'écrivain dans le Buckinghamshire.
Le respect poussé à ce niveau explique peut-être pourquoi il s'est à ce point effacé devant l'oeuvre originale, et les mêmes causes ont produit les mêmes effets que pour Spike Jonze et son "Max et les Maximonstres". Je ne peux pas m'empêcher de comparer dans le même registre inspiré de "La Ferme des Animaux" (pas celle de TF1, celle d'Orwell) avec "Chicken Run", et la comparaison tourne à l'avantage des créateurs de "Wallace et Gromit", à la fois vis-à-vis du rythme de l'ensemble et de l'humour so british.
Trop décalé dans les dialogues et dans certains apartés pour séduire les enfants (j'ai fait l'erreur d'y aller à une séance de 14 h, les gamins étaient nombreux et j'ai malheureusement eu tout le loisir de percevoir les signes de leur décrochage), trop fidèle à un roman mal construit pour emporter l'enthousiasme des adultes, "Fantastic Mr. Fox" déçoit par rapport aux attentes que justifiaient les précedents films de Wes Anderson. Enfin, me déçoit, si je me réfère à la critique unanimenent enthousiaste, et qui me laisse une nouvelle fois perplexe.
http://www.critiquesclunysiennes.com