L'histoire d'une fille qui ne veut pas être vierge au retour des grandes vacances.
Vu sous cet angle, on s'attend à une pale copie de « American Pie 23 » à « la Française », c'est à dire encore pire. Heureusement, la Doillon n'est pas une débile mentale hollywoodienne.
A force de voir des femmes voilées dans nos rues parisiennes, à force de voir le vote des plus de 65 ans, à force de voir l'âge du premier rapport des ados qui remonte vers 18 ans comme aux pires temps du puritanisme sans pilule, on commence à se poser sur ce qui reste de liberté de penser de nos adolescents. Heureusement, et le cinéma ne s'y intéresse pas assez, les adolescents français ne sont ni religieux, ni conservateurs. Ils en veulent plus, et rapidement, loin de toute morale pseudo religieuse ou méritocratique.
Ils s'amusent, passent leur temps à créer un monde où les adultes n'ont pas leur place, et sont des obsédés sexuels, mais ne s'en cachent pas. Et surtout, leur instinct n'est pas bridé, par qui que ce soit. En un mot, ils sont simples et n'acceptent aucun dogme, même pas celui du travail. Bref, ma jeunesse eighties de futur quadra existe toujours, et je suis rassuré pour longtemps !
C'est la première surprise du film, mais il en vient d'autres.
La caméra est propre, sans plus, mais de qualité, on voit d'ailleurs que la plupart des films de cette année ont enfin laissé tombé la Mini DV pour se ressourcer à la pellicule grand format, super. Mais surtout, la réalisatrice donne un espace de naturel aux jeunes acteurs qui laisse pantois. Non parce qu'ils font ce qu'ils veulent, mais parce qu'ils ne jouent pour ainsi dire pas. On est proches de leurs visages (pour la plupart ingrats mais charmants) comme si on était proches de leurs sentiments et de leurs désirs ou de leurs peurs. C'est trop bien joué pour être honnête, et c'est vraiment impressionnant car réussi.
Ensuite, on a une succession des nouveaux codes, pas ceux de la banlieue des tricards décérébrés, ceux des petites villes de provinces, encore un peu épargnées de la misère des ghettos qui s'auto-isolent par leur attitude. Une jeunesse saine de toutes les couleurs et sans problème grave d'argent, mais dont la condition de travail des parents leur laisse pas mal de temps libre.
La scène de MSN est très intéressante puisqu'elle montre que les parents ont de moins en moins de place dans les occupations et les préoccupations des jeunes, jusque dans leur maison, et la scène de la pizza enterre la hache plus profond, puisque la fille préfère se barrer tout de suite plutôt que rester avec sa mère qui a pris un congé surprise. C'est tellement vrai contrairement aux discours psychologiques bien pensant des « Maternelles » de la 5 que ça rétablit un peu la balance du mythe de la création d'une famille. Les ados ont accès à un monde technologique où les adultes n'ont plus leur place, et ils sont heureux comme ça, inutile de chercher à se convaincre d'autre chose. D'ailleurs, à part pour payer ou pour fournir des locaux et la nourriture, les parents et les adultes en général ne sont jamais présent à l'image. De toute façon, quel parent aurait aujourd'hui le culot de dire que son courage, sa conversation ou quoique ce soit d'autre est aussi intéressant qu'un bon film ou un bon jeu vidéo, ou pire une bande de copains déconneurs ?
Ensuite, la part visible d'éducation réservée aux ados fait l'impasse sur les cours, puisque la réalisatrice ne dévoile que le stage de fin d'année désormais obligatoire en entreprise. Là, c'est vraiment trop risible, tout est faux, on ne voit même pas à quels débiles mentaux l'artisanat compte faire envie en découpant un morceau de bidoche ou éventrer un poisson. Le jeu des acteurs fait la part belle à l'éclate, et on ne voit pas ce qu'ils pourraient faire d'autre à part brûler le local. On ne fait pas de BAC 2 à la pelle en France pour obliger tout le monde à un service militaire de plus. Les bouchers le sont par choix, qu'on laisse tous les autres futurs diplômés tranquilles !
Ces scènes sont excellentes, surtout le manque total de remord quand les jeunes se fichent éperdument des horaires ou du travail en « entreprise ».
Le casting est parfait, pas de « jolies » poupées, juste des gueules d'aujourd'hui parfaitement crédibles et ordinaires.
Un très bon film de genre qui évite le documentaire, la fiction sentimentale, et le film d'action ou de sexe pour ados. Mais qui est drôle et émouvant parce que la jeunesse existe toujours, même si on la menace de travailler plus et plus longtemps, elle s'évade en profitant du statut de branleur lycéen ou étudiant et ne pas rentrer dans un cycle où ils voient trop peu de gagnants et bien plus de servitudes.
Moins méchant que « l'année suivante », et donc bien plus digeste.