Comédie de haute volée pour Philippe de Broca, qui a en commun avec Jean-Paul Rappeneau, un style d'écriture à l'américaine rythmé et enlevé. "Le Diable par la queue" reste pour moi sa meilleure incursion dans le comique pure. Lorsque je l'avais vu il y a plus de vingt ans, la première fois, elle m'avait enchanté et fortement imprégné mes souvenirs de cinéphile.
Aujourd'hui les impressions sont identiques, j'ai même apprécié encore plus le travail d'orfèvre de De Broca et Daniel Boulanger au niveau de l'écriture fluide et alerte avec des dialogues ciselés pour des acteurs et des actrices toutes et tous au diapason, et dont on sent un grand plaisir communicatif à jouer tous ensemble devant l’œil du réalisateur. Le montage peut ainsi s'appuyer sur la vivacité du découpage de Claude Sautet (excusez-moi du peu!).
La direction des acteurs est, comme d'habitude chez De Broca, excellente. D'autant plus que le scénario permet à chaque personnages, même les plus secondaires de tirer son épingle du jeu. Personne n'est laissé sur le bord de la route, tout le monde apportant son génie comique et sa légèreté à l'ensemble. Certains personnages apparaissent stéréotypés pour mieux dénoncer leurs travers, mais tous croqués avec finesse, tendresse et subtilité.
Sous ses dehors sans prétentions, le film se moque avec délicatesse du machisme ambiant de la société, en renversant les rôles dominants-dominés (cf au personnage du playboy incarné par un Jean-Pierre Marielle irrésistible). Ici ce sont les femmes qui par leur charme et leur intelligence raffinée détiennent le pouvoir et font des hommes leur objet...d'amour!
Madeleine Renaud en vieille aristocratique désargentée, et à la joie de vivre communicative, mène tout son petit monde à la baguette sans en avoir l'air. Dans ce rôle, elle brille au firmament. Le rythme du film tenant essentiellement sur son personnage, pivot central du film. Yves Montand, lui, en gangster en fuite, est au bout du compte qu'un faire-valoir de talent, encore un peu hésitant dans sa faconde séductrice comique (sa première comédie). Les femmes sont parfaites et représentent toutes une facette de la séduction féminine: Marthe Keller irradie l'écran en jeune femme libre jouant de son espièglerie innocente, Clotilde Joano incarne parfaitement l'archétype de la femme romantique et fleur bleue et Maria Schell (un peu moins à l'aise) en épouse légère qui n'obéit qu'au soubresaut d'un cœur d’artichaut toujours prêt à succomber. Les autres hommes, eux sont tous plus ou moins les marionnettes de ces femmes de caractère: Jean Rochefort, touchant en mari transi d'amour pour une femme dont il est prêt à accepter toutes les "incartades" et Xavier Gélin, objet de Marthe Keller, cédant à tous ses caprices. Seul, le personnage de Claude Piéplu fait contrepoint en réaliste désespérée, ce qui l'empêche d'être "happé" par ce marivaudage qui se joue sous ses yeux, bien qu'il soit lui aussi sous le charme de Clotilde Joano.
Au fond le scénario saisit bien l'air du temps et anticipe le mouvement de libération féminine des années 70, sans oublier pour autant de rester sur du second degré. Car tout est fait pour que le spectateur puisse rire et passer un agréable moment. C'est là l'intelligence du film de Philippe de Broca.