Après le consternant sketch du « Plus vieux métier du monde », Philippe de Broca et son scénariste Daniel Boulanger ont concoctés un scénario où malgré des apparences grivoises, amorales et sexy, toute vulgarité ou grossièreté est évitée avec une élégance qui laisse rêveuse de nos jours où comique se confond avec vulgarité abrutissante et grossièreté pachydermique. Bien sur, il y a les petites culottes blanches de la baronne et la forme de ses tétons qui pointe à travers son dos nus rouge, mais Marthe Keller, espiègle, souriante et charmeuse reste toujours dans la bienséance visuelle, malgré les situations osées, voir scabreuses, dont elle sort avec une classe inouïe. Néanmoins le tandem qui domine le film est la Marquise à laquelle Madeleine Renaud apporte un abattage qu’on ne lui supposait pas, face au “Baron” César, grand gangster incarné par la haute stature d’un Yves Montand en grande verve comique dès sa première apparition dans une comédie. La mise en scène hyper brillante et légère comme un nuage d’une grande fragrance, s’appuie sur une direction d’acteur qui rend chaque rôle dense, précis et concis. Le casting peut faire rêver, jusque dans des petits rôles tenus par Pierre Tornade, Jacques Balutin, Tanya Lopert et de Broca lui-même. Alerte et emmené, le rythme de “L’homme de Rio”, sa verve comique et son astucieuse histoire y sont de nouveaux présents, avec les respirations qui s’imposaient (ces deux derniers points manquaient cruellement aux « Tribulations ».) Spectacle aussi jubilatoire que brillant, « Tirez le diable par la queue », arrive par des chemins de traverses avec Claude Piéplu et Clotilde Joanno, à une bien curieuse morale en creux, amenée non moins curieusement, mais sans ennui, sans prêchi-prêcha, sans culpabilisation aucune. Loin de la misogynie caractérisant la nouvelle vague, qu’il avait plus ou moins assumée jusque là, le réalisateur confirme, à l’aube des années soixante dix, la tendance de la libération féminine ébauchée avec timidité dans « Le Roi de cœur » réalisé, il est vrai, trois ans plus tôt. Et de nous livrer une certaine idée du bonheur, exposée pour notre plus grand plaisir.