Le fils de Georges Simenon, dont le livre est à l'origine de ce film, s'est exprimé à l'occasion de la présentation de L'Homme de Londres au Festival de Cannes. "Avec ou sans Maigret, les romans de mon père sont toujours une invitation à vivre le cheminement inéluctable et dramatique vers sa destinée d'un homme, ou d'une femme, qui nous ressemble toujours étrangement. Ces cheminements ne sont jamais faciles à adapter pour le cinéma ou la télévision, mais lorsqu'il s'agit, comme dans L'Homme de Londres, de faire suivre à la caméra un suspense tout entier vécu dans la tête du héros, la tâche peut sembler insurmontable. C'est pourtant ce que Bela Tarr a tenté, et, malgré des difficultés inouïes rencontrées pendant le tournage, réussi dans un exercice de style brillant, âpre et difficile, qui m'a profondément touché. Je l'en remercie de tout coeur." John Simenon (5 Mai 2007)
Le film mêle les registres et les sentiments parfois contradictoires. Il joue également avec le spectateur en instaurant, dans un même temps et un même mouvement, une sensation d'enfermement alliée à une liberté qui semble toujours accessible. Le réalisateur précise d'ailleurs que "dans chacune des scène, nous voyons l'extérieur : le port, la mer, nous éprouvons continuellement le sentiment d'enfermement et, en même temps, la liberté provocatrice et séduisante de l'infini. Les plans brumeux et moites en noir et blanc, les ombres déambulant dans des lumières mates et le clair de lune qui brille dans la baie du port prêteront une beauté toute particulière au drame qui se déroule sous nos yeux."
Dans L'Homme de Londres, Bela Tarr centre son attention avant tout "l'évolution des sentiments profonds et les mouvements de l'âme." Il précise : "La caméra en mouvement constant palpe les regards, réagit aux frémissements méta communicatifs, glisse imperceptiblement du paysage aux détails minutieux. Elle est à la fois à l'extérieur et à l'intérieur, se concentre sur les visages, consacre une attention particulière aux yeux."
Le réalisateur hongrois a imaginé la structure et le rythme de L'Homme de Londres en adéquation avec la monotonie d'une journée de travail telle que vécue par son personnage principal, Maloin. "Nous sommes toujours avec lui", précise Bela Tarr, "nous le suivons et nous voyons le monde avec ses yeux. Nous montons avec lui dans sa tour et nous descendons de là-haut, nous l'accompagnons au bistrot. Nous buvons l'eau de vie et nous allons avec lui acheter son poisson pour le déjeuner."
Si le film est basé sur un principe de répétitions des évènements et de monotonie de la vie, l'évolution n'est pas pour autant absente de l'oeuvre. C'est ainsi que le cinéaste explique : "Ces évènements sans importance se répètent, toutefois, avec un sens toujours différent puisque le duel entre Maloin et Brown, la montée de la tension les place à chaque fois dans un nouveau contexte. Tout ce que nous avons déjà vu se transforme, tout ce qui était familier devient subitement étranger, tout ce qui était calme se trouble et tout ce qui était amical prend désormais un tour menaçant. Aspirés par ce mouvement, nous nous engouffrons dans la spirale des évènements et en suivons la progression."
Bela Tarr s'est exprimé sur l'histoire et le style très personnels de son film. Il indique : "L'histoire de Maloin appartient à nous tous , et à moi très précisément; elle est à la fois intime et familière, hostile et sombre à l'instar du paysage qui lui sert de cadre. Le ton du film sera donc très personnel, chacune de ses images sera imprégnée de ma vision du monde. Quant au style du film, je tâcherai de présenter la complexité de l'univers prolétarien de Maloin de façon extrêmement sobre. Cela ira jusqu'à une simplicité puritaine afin de montrer son personnage de la manière la plus affectueuse et la plus crédible qui soient."
Bela Tarr affirme avoir voulu traiter cette histoire parcequ'elle "traite à la fois de l'aspect universel et quotidien de la vie." Avant d'ajouter, "cette oeuvre est à la fois cosmique et réaliste, divine et humaine; pour moi, elle englobe la totalité de l'homme et de la nature tout comme leur banalité."
Bela Tarr a connu de nombreuses difficultés durant le tournage de L'Homme de Londres. Le réalisateur a commencé à travailler sur ce projet dès 2004, mais celui-ci connu un coup d'arrêt lors du suicide du producteur Humbert Balsan, le 10 février 2005. Le tournage du film a tout de même réussi à reprendre.
The Man from London a été présenté en Compétition Officielle au Festival de Cannes 2007.