Version non censurée :
L'Enfer des Armes conclut remarquablement la trilogie du chaos après les intéressants Butterfly Murders et Histoires de Cannibales, où Tsui Hark nous fait suivre le destin de trois jeunes naïfs devenant terroristes en étant entraînés dans une spirale violente par une jeune anarchiste.
Il y a une vraie évolution dans le cinéma de Tsui Hark avec L'Enfer des Armes, que ce soit esthétique ou dans l'écriture, avec toujours comme fil conducteur un certain chaos et un spectacle, certes bordélique, mais aussi remarquable. C'est d'abord les personnages qui sont intéressants, notamment par la façon dont les trois adolescents vont peu à peu être inspiré dans un cycle violent, symbole d'une oeuvre qui en prend acte dès son introduction, très froide et violence où une sourie, qui aura reçu une aiguille dans le crane, va devenir folle avant de mourir.
L'Enfer des Armes est passionnant par son contexte, celui d'un Hong-Kong encore instable et dont les liens avec la Chine demeurent toujours flous, et c'est avec ça en tête que Tsui Hark s'inspire d'un horrible fait divers où trois jeunes posaient des bombes dans des cinémas sans réelle motivation, juste pour passer le temps donc. L'oeuvre est un reflet violent de ce manque de repère d'une nouvelle génération, symbolisé par les désillusions et la violence de la jeunesse que l'on suit, qui ne trouvera jamais de l'argent ou de la gloire, mais une violence encore plus forte et organisée, à l'image de la mafia locale. Ici, il n'y a plus de modèle, le système n'est guère reluisant et les flics encore moins, et tout ça baigne dans une ambiance de malade, un peu folle, digne d'un Tsui Hark qui se sent lâché par le public et les critiques après ses deux premiers films.
Alors tout n'est pas encore parfait, Tsui Hark est encore en rodage et le film à un côté un peu brouillon, même maladroit à l'image des superpositions d'images dans le final, pour mieux ancré son oeuvre dans l'actualité. Pourtant ce n'est pas vraiment préjudiciable, ce qui domine ici, c'est l'urgence de la situation, la façon dont on nage en eaux troubles et le côté parfois froid du film, comme en témoigne ce final qui n'est guère stylisé et qui finalement se déroule dans le seul lieu où ça pouvait nous mener, un cimetière.
La violence est toujours bien mise en scène par le jeune cinéaste, n'hésitant pas à l'amplifier et insister sur la gratuité de certains actes. Il innove dans sa réalisation, notamment dans l'utilisation des couleurs rouges et bleus pour mieux nous plonger dans un chaos certains où les cadavres tombent peu à peu sur la route des trois adolescents. La force de L'Enfer des Armes, c'est aussi de ne jamais tomber dans l’exhibitionnisme morbide, alors que les comédiens savent apporter un côté urgent à l'oeuvre ainsi qu'une certaine authenticité.
Evidemment, le film sera censuré et même massacré par les autorités, obligeant Tsui Hark à en réécrire et filmer une partie, enlevant le côté subversif de l'oeuvre et modifiant profondément son contenu, notamment autour des trois adolescents qui deviennent des victimes. Il aura d'ailleurs du mal à s'en relever, devant par la suite mettre en scène des comédies avant de pouvoir enfin prendre son envol.
Regarder L'Enfer des Armes, surtout après avoir vu ce que Tsui Hark sera capable de faire par la suite, reste un sacré uppercut pris en pleine poire, chaotique et dur, symbole d'une jeunesse en pleine dérive pris dans un cycle alternant désillusion et violence.