"Tehilim", cela signifie les Psaumes. Ceux que l'on récite dans la famille d'Eli Frankel pour que Dieu permette son retour, mais surtout ceux que l'oncle Aaron a fait imprimer avec une dédicace, et qu'il compte distribuer aux familes pieuses du quartier. Ces recueils serviront d'objet à l'ultime action, ô combien maladroite, de Menachem avant qu'enfin il accepte l'inacceptable, la perte du père.
"Tehilim" est à la fois une histoire universelle et un film terriblement israëlien. Pourtant, pas de références à l'intifada, à la guerre du Liban ou aux attentats, comme dans "Une Jeunesse comme aucune autre" ou dans l'épisode d'Amos Gitaï dans "11'09"01 September 11" ; juste la résonnance particulière que prend l'inquiétude d'une mère en ne voyant pas rentrer son ado.
Film universel, puisqu'il traite du deuil, ou plutôt de l'impossibilité de celui-ci face à ce qui est pire que la mort, à savoir la disparition. Il aborde aussi cette question en se focalisant sur un adolescent, à un âge où l'expression des émotions est aussi difficile, et Menachem ajoute à cette caractéristique de sa tranche d'âge l'entêtement des mâles de sa famille, depuis celui du grand-père qui refuse de comprendre le besoin de se retrouver seule de sa bru, jusqu'à celui de son petit frère qui marchande le moindre acte de la vie familiale.
Film reflet de la société israëlienne d'aujourd'hui, où les soldats sécurisent les abords de l'accident avant de penser à porter secours aux blessés, où grand-père, père et fils passent des heures à écouter le rabbin expliquer comment l'aveugle doit faire pour prier sans pouvoir s'orienter vers le Temple, mais où le même fils enlève sa kippa pour aller retrouver ses potes et sa copine. Parfois Raphaël Nadajari prend le temps de laisser l'action se dérouler, en restant à distance comme quand il filme, depuis le balcon où se trouve son fils, Alma en train d'attendre la dépanneuse qui ramène la voiture accidentée ; à d'autres moments, il cadre en très gros plan les personnages, notamment dans les disputes qui éclatent hors champ, se focalisant sur un geste, une attitude pour mieux souligner que même partagée, la souffrance est propre à chacun.
Ce n'est jamais facile de raconter l'histoire de quelqu'un qui se referme dans sa douleur, et cette pesanteur se fait parfois ressentir, proche de l'ennui. Mais l'originalité du propos, l'absence de fioritures et la tension qui traverse tout le film font de "Tehilim" une oeuvre attachante et subtile.
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