Certes, il fallait le faire. L'exploit est humain, physique, mental. Filmer des troupes rebelles d'enfants africains en pleine guerre civile, anciennement combattants dans la réalité, pour retranscrire l'état pitoyable d'un pays sans issue, est un engagement qui peut être sans retour, en tout cas dans lequel l'art est construit en risquant sa vie. Donc oui, et c'est la raison pour laquelle on sait que "Johnny Mad Dog" est un document sincère, voilà une oeuvre extrême. Est-elle pour autant d'une réelle utilité pédagogique et humaine? Pas si sûr. Car si la forme est irréprochable, construite sur un rythme entraînant et une mise en scène grandiose assumant tout à fait son penchant 'spectacle de la terreur' , le fond, quant à lui, pèche cependant par un excès de réalisme qui, sur ce sujet semble ne guère convenir. Il ne faut pas confondre, au cinéma, le pouvoir de la fiction à celui du documentaire. Si Jean-Stéphane Sauvaire dépasse les deux puisque l'histoire et les personnages sont imaginés, tandis que la tentation descriptive d'une guerre montrée telle qu'elle est dans une reconstitution rude prend le dessus des évènements 'mineurs' , sa caméra oublie que la plongée, anti-cinématographique à souhait puisqu'elle tient parfaitement du reportage de guerre où seule l'action est filmée, met le spectateur en position de voyeur - étant donné la 'déconnexion' totale avec les faits réels et historiques - . La violence exubérante de l'ensemble, les images léchées, l'action clippée, oblige le public à subir le procédé utilisé sans jamais vraiment pouvoir rentrer dans le film, soit l'exact contraire d' "Hunger" qui, en filmant une même violence, utilise le cinéma comme conjonction entre l'écran et celui qui le regarde pour pouvoir lui faire partager l'horreur et ainsi l'incruster lui-même dans l'écran en incarnant un personnage non-existant. Ici, au mieux peut-on admirer, voire aimer la virtuosité et le danger pris par Sauvaire. Pourtant "Johnny Mad Dog" reste un film qui défile