Sous des airs de "Le Dernier des fous" version allemande, moins dur et plus raffiné, ce film conte une histoire, longue à émerger, d'amour raté, ou plutôt de déni d'amour, et de vengeance tripartite. Le tout se passe en été, dans un modeste pavillon bourgeois verduré, habité par un couple (assez disparate), son enfant unique (jeune pianiste) et leur (gros) chien. "Paul" arrive. La première demi-heure paraît sans intérêt: accrochez-vous, c'est un huit-clos. Les personnages et leur relations (y compris le chien), des bribes d'indices psychologiques se mettent alors en place. On peut regretter cette impression d'ennui mais c'est ce qui confère de la profondeur aux caractères, ce qui les "nourrit" de réalité. La première émotion véritable a surgi en moi au bout de... 50 minutes de film. Un bécot. Au-delà, ça va crescendo molto. Face à l'impasse, au déni des sentiments, pas d'autre issue que le glacial réglement de comptes. Les métaphores -des faits apparemment anodins- finissent par éclater aux yeux, dans un style trop appuyé. Egrénés, quelques très agréables morceaux de piano (Bach, Chopin). En y réfléchissant, on pourra certainement trouver à ce film une profondeur inattendue, ce qui autorise débat et autre visionnage. Une vision plus superficielle n'en retiendra qu'une banale aventure sentimentalo-psychotique, fine mais manquant de force, du niveau d'un téléfilm. Or l'atmosphère de retenue, de non-dit -omniprésent-, loin de produire de la fadeur, sied très bien à cet esprit allemand névrosé. L'austérité générale, l'ascèse volontaire de la mise en scène ne sont pas à prendre pour de la pauvreté ; cependant, la lenteur, l'impression "premier film", certes assuré mais manquant de maîtrise, peuvent agacer. L'aspect atmosphérique, très visuel, imprime à ce film, au moins dans son évolution post-climax, une dimension clairement cinématographique. Un film d'auteur subtil, attachant mais sans réelle surprise, sauvé par d'assez bons acteurs et par une échappée transfigurante.