Epoustouflante leçon d'image, ce premier long-métrage récompensé en 2006 du Prix du Jury à Cannes mérite amplement sa récompense. Parce que l'élément à la base du scénario, le voyeurisme des caméras de surveillance, devient le complément psychologique aux sous-thèmes (le deuil et la vengeance), parce que la tension magnifique avec laquelle la cinéaste filme l'ouverture sur le réel qu'offre la vidéo, et la fusion entretenue entre cette réalité mise à nue et le quotidien morne de la jeune femme dépend de la suite de l'histoire, "Red Road" est un film total, qui avance à tâtons, hésitant et maîtrisé à la fois. Le principe de la mise en scène tient sur deux éléments : le fondé de l'image (c'est-à-dire la vue dans un écran de surveillance qui ne ment pas), et le supposé de cette même image (celle qui, dehors, met en scène la femme à la recherche de ses douleurs). L'incrustation dans un même plan du vrai et du faux, à mesure que le récit avance, donne à "Red Road" la possibilité d'exprimer l'état du monde ; un écran n'est plus l'assureur de la sécurité civile, mais une fenêtre sur l'univers. Il ne s'agit plus de surveiller, mais de projeter (son avenir, ses idéaux, ses secrets). L'étonnant travail sonore, faisant resplendir les fonds et les détails au profit des voix, enfouies, est le troisième élément qui vient se superposer sur ce travail d'éléments imbriqués, pour embrasser la totalité de la vision. A manier, au-delà de la vérité et du mensonge de l'image, la perception du personnage face à cette réalité avalée crue et sans filtre, Andrea Arnold suffit à lui donner une âme. Le milieu qu'elle décrit vient aussi intelligemment contraster, jusqu'à la partie finale du moins, avec la mentalité 'sobre' de cette femme ; une Ecosse paumée, faite de laissés-pour-compte, de dealers, de délinquants sous une grisaille terrible et des cités taguées, tandis qu'elle est enfermée dans sa propre rédemption, dénuée de communication alors que, ô ironie, son métier consiste à voir le mon