C'est la chronique d'un monde qui disparaît, sans qu'on sache trop bien par quoi il sera remplacé. Celui de l'agriculture de montagne, inadapté aux progrès du machinisme agricole et à la rentabilisation de la production. Raymond Depardon nous emmène au bout de petites routes vicinales, de ferme en ferme, à la rencontre de ceux qui y vivent encore. De très vieux, qui aimaient leur terre, leur bétail et leur travail avec passion. De moins jeunes, qui sont là par force pour succéder aux parents. Des jeunes, qui voudraient s'installer, monter une exploitation, mais qui se cassent les dents devant l'impossibilité d'obtenir des aides. Des pièces rapportées, comme cette jeune femme venue du nord avec sa fille de quinze ans (qui, après avoir été tout d'abord réticente devant ce nouveau monde se lance dans une formation d'agriculture pour reprendre le flambeau plus tard). La jeune femme s'est très bien adaptée, elle aussi, mais elle doit subir le mauvais gré des deux irascibles tontons qui partagent l'exploitation avec son nouvel époux: c'est que pour les tontons, la parole des anciens doit toujours être respectée.... Depardon s'attache tout particulièrement à cette famille, tant les deux vieux hommes, l'éleveur de brebis et le producteur de lait ont de personnalité. Tous ces gens là, il faut leur arracher les mots dits avec un rocailleux accent occitan -on est dans les cévennes; mais ils ne mentent jamais, même s'ils usent beaucoup de la litote.... Beauté austère des architectures de ferme, beauté absolue des immenses paysages, attachement des hommes à leur terre et à leurs animaux (tristesse devant la vache qui meurt de mammite, une capricieuse, une désobéissante, raconte son éleveur...) Tout est là, tout est montré, tout est dit.
Nous tous avons une hérédité paysanne, qu'elle soit en France ou en Afrique. Mais combien s'en souviennent encore? Combien reviennent visiter leurs sources? Peut être, grâce à Depardon, certains le feront -ils, et pour cela, merci....