On retrouve Kamel, le héros de "Wesh, Wesh", interprété par Rabah Ameur-Zaïmeche lui même. Comme dans le premier film, on ne sait pas grand chose de l'avant, ou ici de l'entre-deux films. Il a finalement été expulsé, et étranger en France, il se retrouve aussi étranger dans son village. D'ailleurs, lui parle le français (tout comme Louisa), alors que ses cousins et ses voisins parlent ce mélange d'arabe et de français, et quand il utilise une expression en verlan, on ne le comprend pas.
Peu après son arrivée, tout le village se retrouve pour une "zerda", le sacrifice d'un taureau sur la tombe d'un cheikh. La scène très crue où la bête est égorgée renvoie à celle qui suit peu après, où Bouzid, le cousin de Kamel, est attrapé par des islamistes qui lui reprochent d'avoir bu de l'alcool, et où ils mettent en scène son égorgement. La violence est omniprésente, latente et imprévisible. Elle est masquée par une indolence et une étiquette qui s'impose à tous ; quand Louisa sort de la maison après avoir été tabassée par son mari puis par son frère et qu'elle erre dans la nuit, hagarde, sa cigarette à la main au milieu des hommes, il n'y en a pas un pour lui dire sa réprobation, tant elle est évidente pour tous.
Et ce mélange d'indolence et de flambée de violence se retrouve dans la façon de filmer. Utilisant une caméra numérique, le réalisateur reste souvent à distance de l'action, cadrant en plan large ou déambulant au milieu des personnages, avec une prise de son "godardienne", où les dialogues se perdent dans le brouhaha des conversations. Le montage prend l'aspect d'une suite de plans sans grand souci du raccord, et on a souvent l'impression de suivre un de ces documentaires contemporains, où le spectateur doit reconstituter tout seul le puzzle de ce qui est donné à voir.
Ce choix, ainsi que celui d'un rythme légèrement anesthésié évoquant par moment le "Gerry" de Gus Van Sant, maintiennent le spectateur en dehors de l'histoire, un peu comme Kamel dans ce pays qu'il ne reconnaît pas. Heureusement, le film décolle parfois, notamment quand Louisa arrive à l'hôpital psychiatrique. Chassée par son mari, chassée par sa famille, elle trouve enfin un lieu où elle est acceptée telle qu'elle est, et où une des patientes proclame que les fous sont dehors. Et quand elle chante Don’t explain, de Billie Holiday, les visages des spectateurs montrent l'apaisement auquel aspire l'Algérie d'aujourd'hui.
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