Une équipe de six explorateurs sud-coréens, dirigée par le capitaine Do-Hyung Choi, est en mission dans l'Antarctique. Leur but : atteindre un endroit très au nord près du pôle où aucun homme n'est encore jamais allé. Au bout de nombreux jours de marche et de campement dans des conditions climatiques extrêmes, ils tombent sur les vestiges d'une expédition britannique datant de 1922. Ils découvrent alors un bien mystérieux journal, intitulé « Antarctic journal », que tenait l'un des explorateurs 80 ans auparavant...Il est évident que le thème de "Antartic Journal" vous fera penser à "The Thing" de John Carpenter, avec cette expédition dans des conditions extrêmes menée par une poignée d'hommes qui va progressivement tourner au cauchemar suite à plusieurs accidents intervenant de manière étrange et inquiétante. Le scénario mêle aspects fantastiques et psychologiques créant une atmosphère troublante et angoissante (oui : l’ombre du "Shining" de Kubrick n’est pas loin !) Le découpage déconcertant de la mise en scène vient renforcer le côté surnaturel des évènements tout en y incluant les tourments des personnages (finalement, chacun se retrouve confronté à lui-même et à une sorte de quête intérieure, symbolisée par cette recherche quasi obsessionnelle du fameux "point inaccessible") Ainsi, dans certaines scènes, éléments passés et présents s'entrecroisent pour nous montrer le malaise de nos protagonistes face à eux-mêmes et aux mésaventures de l'expédition de 1922. Le tout se déroulant dans un endroit rude, isolé, qui semble hanté et maudit par des forces irréelles (illustré de fort belle manière par de magnifiques paysages de plaines et de montagnes enneigées, le tout sur une photographie superbement léchée). Tous les sentiments et les sensations sont à leur paroxysme : le froid, la solitude, la peur...les doutes et la paranoïa s’insinuent petit à petit, créant alors une ambiance tendue et très pesante qui parvient à angoisser le spectateur, ce dernier sentant de plus en plus la présence d’un danger invisible et omniprésent qui guette l’expédition. Nos protagonistes ont des visions terrifiantes, l’un tombe dans une crevasse, un autre se met à pisser du sang, ils tournent en rond malgré un GPS en parfait état de marche… En outre, le fait que le jour soit permanent contribue au manque de repères de l’équipe et la neige blanche et pure apporte un sentiment de désolation dans cette immensité glacière du plus grand continent de la planète, comme si on était finalement sur le sol d’une autre planète inexplorée et inhospitalière. Toute cette étrange ambiance et ce sentiment de malaise sont appuyés par le score à la fois lancinant et envoûtant du grand Kenji Kawaï ("Ghost In The Shell 1&2", "Ring 1&2", "Dark Water", "Running Wild", "Seven Swords", "Death Note The Movie", "Chatroom", "Ip Man 1&2") qui reprend donc ici sa « technique » préférée : alterner de longs moments de silence avec des passages musicaux. Malheureusement, cet esthétique poussée à l’extrême (typique du cinéma asiatique, et sud-coréen en particulier) rend le déroulement de l'action un peu lent par moment et "Antartic Journal" accuse donc certaines longueurs qui pourront en rebuter plus d’un. En ce qui concerne les protagonistes, ils sont plutôt bien décrits même si certains sont plus approfondis que d'autres. Les acteurs s’en sortent tous très bien mais il faut bien avouer que les deux prestations qui éclipsent toutes les autres sont celles de Yu Ji-Tae ("Attack the Gas Station", "Natural City", "Old Boy", "Into the Mirror", "Lady Vengeance") dans le rôle de Kim, et de Song Kang-Ho ("Shiri", "JSA", "Sympathy for Mr. Vengeance", "Memories of Murder", "The Host", "Lady Vengeance") dans la peau du Capitaine Choi. Leur confrontation est excellente, sorte d’incarnation réelle du yin-yang, de rencontre entre la folie et la raison.
Pour un premier long métrage, le réalisateur Pil-Sung Yim nous livre avec "Antartic Journal" un film plutôt réussi, même s’il comporte quelques défauts (rythme lent et décor monotone), où l’obsession d’un seul homme peut conduire à la perte de tous (oui : "Antartic Journal" peut-être considéré comme une version moderne de "Moby Dick"), proposant ainsi une réflexion quasi-existentielle (Que sommes-nous prêts à sacrifier pour atteindre nos rêves ? Ce gain sera-t-il suffisant à nos yeux ?) à laquelle l’incroyable final nihiliste apportera une réponse (ou pas, selon votre compréhension de ce dernier). Une belle découverte qui est définitivement un bon divertissement.