Le vent se lève est une oeuvre d'une intensité et d'une dureté rare. Et pourtant, nul misérabilisme. Juste une réalité brute, âpre, souvent traumatisante. Loach s'attaque à une fresque historique a priori assez difficle d'accès mais reprend ses thèmes de prédilection : il nous dit sans concession ce que sont la guerre, l'oppression, l'injustice, la révolte. Et les compromis, les contradictions qui s'inscrivent dans chacun de nos comportements face à ces phénomènes. On a accusé le film de manichéisme : certes la violence inouïe des occupants anglais (qui évoquent immanquablement des soldats SS) paraît choquante mais d'abord c'est bien là une réalité. Et puis, les membres de l'IRA ne sont pas exempts de cette violence : Damien, le personnage central, a beau être sympathique, comment cautionner la balle qu'il tire dans la tête d'un adolescent coupable de traîtrise ? Non, ici, point de caricature : les atrocités, les réglements de compte existent bien des deux côtés. Bien sûr, Loach, en grand marxiste devant l'éternel, se pose en défenseur des opprimés partisans d'une révolution, mais peut-on reprocher à un cinéaste d'avoir un point de vue ? Attendait-on de lui ne défense de l'ordre, une condamnation de la lutte ? Bien sûr que non. Film dialectique plutôt que didactique, superbement mené, jamais ennuyeux, Le vent se lève pose des questions primoridales, mais plus encore : il raconte une histoire. Et quelle histoire. Comment une lutte fraternelle devient lutte fratricide. Comment un peuple se déchire entre jusqu'au-boutisme et compromis(sion). Damien et Teddy (superbes interprêtes) symbolisent ce déchirement. Film parfois quasi-insupportable par la violence qu'il dégage, Le vent se lève évoque à de nombreuses reprises un autre chef-d'oeuvre de son auteur, Land and freedom, avec cette thématique de la révolution toujours ratée mais toujours à faire. Les verts paysages d'Irlande magnifient l'oeuvre si puissante de ce merveilleux cinéaste de l'engagement qu'est Ken Loach.