La Ronde de nuit a été présenté en compétition officielle à la 64ème Mostra de Venise.
Peter Greenaway explique comment l'idée du film lui est venue : "Je crois que l'origine du projet remonte aux années soixante, lorsque je faisais mes études dans une école de beaux-arts à Londres. Tous mes professeurs encensaient Rembrandt, ce qui était une bonne excuse pour que je le déteste ! Mais de toute façon, la puissance de son influence ne peut être niée, donc il fallait que je réexamine les choses. (...) Mon peintre hollandais préféré est Vermeer, mais j'ai déjà “fait” Vermeer - cela peut paraître un peu arrogant, je vous l'accorde, mais j'ai fait des films et un opéra sur lui et j'avais le sentiment de devoir me tourner vers autre chose, vers celui qui, plus illustre que lui, est presque son contemporain. En tant que cinéaste, je pouvais me pencher sur les peintures de Rembrandt différemment et imaginer presque que le cinéma était un produit du XVIIème siècle. C'est un monde entièrement fait de lumière. Rembrandt commence par un écran noir - comme au cinéma - et il peint la lumière dedans. Comme le fait le cinéma.(...)"
Le réalisateur commente le célèbre tableau : "“La Ronde de nuit”, tableau peint en 1642, compte 34 personnages se précipitant dans ce qui ressemble à une vaste mêlée organisée. Ils ont l'air de se préparer à s'entraîner au maniement du mousquet, mais juste au premier plan, il y a un adolescent habillé d'un uniforme de soldat complet. Son visage est caché, on ne peut donc pas l'identifier. Il est en train de tirer avec son mousquet, ce qui serait un peu comme tirer un coup de feu dans la station de métro Piccadilly en pleine heure de pointe : une chose totalement stupide ! Il doit y avoir quelque chose d'important là-dessous, il doit y avoir une raison pour que Rembrandt ait peint cela, et je suppose que mon intérêt vient de là, de cette envie d'expliquer ce qui se passe. Pourquoi cet homme tire-t-il, quelle est son intention, où est allée la balle ? Les historiens ont déterminé qu'il y avait 51 éléments mystérieux dans cette peinture, et je dirais avec effronterie que ma théorie les résout tous d'un seul coup. C'est une sorte de scène du crime sur laquelle enquêteraient des experts. Si vous allez voir la toile originale au Rijksmuseum d'Amsterdam, il se pourrait qu'il y ait un avertissement de la police disant de ne pas trop vous approcher parce que vous risqueriez d'altérer des preuves ! Nous avons toutes les raisons de croire que Rembrandt était aussi un satiriste, il a peint quantité de toiles où il se moque des gens et de la tradition. Ce n'est donc pas comme si “La Ronde de nuit” était une aberration totale - il avait déjà fait ce genre de chose avant. Je me contente d'affirmer que ce tableau est comme un doigt accusateur, tel le “J'accuse !” de Zola. Une accusation contre les très riches ploutocrates, les douze familles qui “régnaient” alors sur Amsterdam et y faisaient la pluie et le beau temps dans les années 1640.(...)"
Peter Greenaway raconte tout le travail fourni sur l'aspect visuel du film : "Nous avons choisi de tout puiser dans les peintures, qui reposent essentiellement sur le jeu de la lumière et des ombres. Des coins sombres, beaucoup de lumière douce, beaucoup de ténèbres, beaucoup de lumière artificielle... Nous avons construit nos images en grande partie en studio, ce qui leur donne un petit côté théâtral. Les personnages de Rembrandt dans “La Ronde de nuit” posent parce qu'ils veulent qu'on les regarde. Nous avons souhaité retrouver cet esprit, cette conscience de soi, dans nos images et le style de jeu des comédiens."
Le cinéaste explique le choix de l'interprète de Rembrandt : "Un grand nombre de films ont été faits sur Rembrandt mais il est toujours représenté comme un vieil homme affable. Je pense notamment au film de Charles Matton, Rembrandt, avec Klaus Maria Brandauer, Romane Bohringer et Jean Rochefort. Mais en 1642, Rembrandt n'a que 34 ans, il nous fallait donc un acteur plus jeune. C'est pour cela que nous avons choisi Martin Freeman. En plus, il y a même une certaine ressemblance physique."
Le réalisateur Peter Greenaway justifie le choix de la musique: "J'ai délibérément évité d'essayer de trouver une musique contemporaine - j'entends par contemporaine celle de cette époque-là, 1642. Il n'y a pas vraiment de grands compositeurs hollandais. Cela fait longtemps maintenant que j'utilise la musique d'un compositeur italien nommé Giovanni Sollima. Sa musique est particulièrement appropriée à l'usage que je voulais en faire pour ce film."
Peter Greenaway explique ce qu'il aimerait que le public retienne de La Ronde de Nuit : "Je cherche d'abord à divertir les gens, mais j'espère le faire à plusieurs niveaux. Je ne veux pas que l'on considère ce film comme une polémique culturelle sur la condition des peintres au début du XVIIème siècle. C'est d'abord une histoire avec de l'empathie et de la sympathie. Voici un homme qui poursuit sa carrière malgré des obstacles considérables, et je suppose que l'on trouve dans son histoire à la fois la sagesse et la nature mortelle de l'homme. Pourquoi, réellement, vient-on au monde ?"