L'histoire d'un peintre qui nous la joue à la Blow Up.
C'est tout l'un ou tout l'autre. Vous aimerez ou vous détesterez (tant pis pour vous et pour les 5 personnes qui sont parties de la salle). J'ai été scotché par la perfection technique, la diction, le plaisir du délire intellectuel, la photographie, la beauté et le ciselage contemporain du discours. Tout est parfait au point que quand l'on ressort, le regard est différent sur les alignements à la Haussman, et les très vieilles batisses à côté du Café de Flore. Alors que le film est tout sauf une reconstitution fidèle d'une époque, on sent le parfum des chevaux dans le Paris du XXIème siècle. Il a réussi à la fois à nous rapprocher de la vie de Rembrandt par ses analogies avec le marché de l'art actuel, et de nous détacher exotiquement de notre époque par des compositions de victuailles et de (nombreux) personnages tout droit sortis de tableaux Hollandais.
Peter Greeneway s'est fait le plaisir de la vituosité et de la maturité, il fait du théâtre filmé sans se cacher, mais d'une manière beaucoup moins complexe et torturée que ces précédentes réalisations. Le sujet est très proche de « Meurtre dans un jardin anglais », mais le bavardage est bien plus limpide, et nous apprend finalement énormément sur les Hollandais de ce siècle de découvertes et de commerces mondiaux.
Les autres spectateurs s'ennuieront devant l'esthétisme magnifique, la perfection des dialogues, le jeu complice des (vrais) professionnels du théâtre, bref du plaisir suranné de la beauté du clacissisme remanié de manière contemporaine. Mais pas de manière populaire, c'est sûr, encore une fois, tant pis pour eux. Car c'est bizarrement le plus accessible des Greeneway que j'ai vus.
Sur très grand écran (la salle 1 de L'Arlequin), la photographie et l'éclairage sont de grands moments d'esthétisme profond. Sans citer la netteté incroyable de nos jours. Rien à voir avec l'obsession du détail artificiel de « La jeune fille à la Perle » qui ne donnait que des belles photos de reproduction. Ici, c'est la scénographie théatrâle qui donne de la beauté par sa simplicité biblique. Parfois, le découpage donne un rythme soutenu qui empêche la contemplation et nous fait nous souvenir qu'il y a une intrigue.
Si je ne me savais pas aussi sensible à la perfection technique d'un tel film, je dirais que c'est le meilleur Greeneway, mais c'est sûr que « ZOO » ou « Meurtre dans un jardin anglais », plus fous, ont leur charme désormais suranné.
Seul bémol, Peter s'est manifestement fâché avec Nyman, on a donc un ersatz polonais pour une musique qui ne donne pas entièrement satisfaction, un peu comme pour « Le ventre de l'Architecte ».
Néanmoins, quelle joie de voir à quel point un cinéaste sait si bien parler de l'excellence et de la beauté de l'acte créatif, sans le séparer de son contexte financier, sentimental et social