Quand nous parlons de films indépendants, cela touche également le domaine de l’animation. Et pour cause, ce genre cinématographique possède également ses grosses productions (Pixar, DreamWorks, Blue Sky…) et ses petits titres qui sortent du lot, ayant pour but d’émerveiller les enfants tout en devant faire face à la concurrence monstre des blockbusters. Nocturna est de ceux-là. Un long-métrage franco-espagnol sorti dans la plus grande indifférence (seulement plus de 173 000 entrées en France et pas de sortie américaine) qui, pourtant, a eu un beau succès lors de certains festivals (dont le Prix Goya du meilleur film d’animation en 2008). Cette critique se présente donc comme l’occasion de vous remettre sur le devant de la scène ces oubliés du grand public, non sans défauts mais qui peuvent rivaliser sans mal avec des Shrek et autres Toy Story.
La première chose qui va vous toucher avec Nocturna, c’est son histoire. Un scénario totalement original, qui dépeint l’univers de la nuit avec une inventivité des plus bluffantes. Tout en s’inspirant des divers récits créés par Tim Burton et Hayao Miyazaki, les réalisateurs/scénaristes suivent le parcours d’un garçonnet qui va découvrir
que les chats sont des animaux qui errent la nuit dans le seul but de faire dormir les enfants. Que de drôles de créatures, de manière symphonique, usent du vent, des branches contre les volets et du grincement des gouttières afin de donner vie à la nuit. Qu’une sorte de farfadet farceur est à l’origine des « petites fuites au lit ». Que des Ébouriffeuses, le penchant féminin d’Edward aux mains d’argent, travaillent durs pour vous offrir vos tignasses du matin.
Des exemples, nous pouvons encore vous en livrer, mais ça serait gâcher la surprise devant tant d’imagination ! Un univers récréatif qui n’oublie pas de donner une petite leçon de vie à tous les jeunes spectateurs.
Hormis des personnages secondaires mis de côté assez facilement et une fin gentillette prévisible au possible (en même temps, nous avons affaire à un divertissement pour enfants, donc ne chipotons pas !), Nocturna est avant tout un message pour tout ceux pour qui le noir, l’obscurité, est leur plus grande peur. Transmis par la quête du personnage principal, Tim,
qui doit affronter une ombre terrifiante (et qui fera sans doute peur aux plus jeunes d’entre nous) qui plonge la nuit dans le noir le plus total (extinction des lumières et des étoiles)
. Nocturna, c’est une assurance. Celle qu’avoir peur du noir est un sentiment absurde tant la nuit regorge de vie et de charme. Que c’est la peur elle-même qui lui donne cette image angoissante que nous lui adressons injustement. Bref, Nocturna ne se présente pas à nous telle une coquille vide qui ne compte que sur son visuel, mais plutôt comme une œuvre qui veut titiller l’attention des jeunots par ce qu’elle a à dire.
Parlons de l’animation justement ! Loin des prouesses faites en informatique qui règnent désormais sur le cinéma d’animation, Nocturna conserve le charme et la beauté du design en 2D tout en se rapprochant des plus grands films de Miyazaki. À tel point que ce long-métrage pourrait très bien figurer dans la filmographie de cet auteur d’exception, aussi bien du côté de l’animation que de l’ambiance musicale. Que ce soit au niveau visuel ou bien sonore, Nocturna vous emportera à coup sûr, que vous soyez petits ou grands !
Cependant, le film est encore loin d’arriver à la cheville des œuvres de Miyazaki, et ce à cause d’un détail assez frustrant : Nocturna manque cruellement de féérie. Alors qu’un tel univers, de tels personnages et une telle poésie nécessitent sans concession une ambiance enchanteresse, il est frustrant de ne pas être bien plus emportés que cela par des moments pourtant touchants. Une atmosphère qui semble faire du surplace alors que le visuel rayonne de magie. Il faut dire aussi que le doublage participe également à cette petite déception. Si des doubleurs professionnels s’en sortent comme à l’accoutumée (Roger Carel, Philippe Peythieu…), d’autres n’ont pas suffisamment de punch pour donner vie à leur personnage (l’animateur télé Jean-Luc Reichmann), n’étant tout simplement pas habitués à ce genre d’exercice et donnant une voix plutôt monotone aux protagonistes concernés. Avec une ambiance et un doublage qui ne déborde que trop rarement, voire jamais, d’énergie et de merveilleux, Nocturna ne déploie pas entièrement ses ailes et peut expliquer son manque d’engouement face aux œuvres de Miyazaki.
Qu’à cela ne tienne ! Nocturna a beau ne pas être parfait, il reste cependant bien meilleur que certaines grosses productions américaines, qui s’écroulent également sous le concept « assassin » des suites et autres spin-offs. Comme il est dit en intro, le cinéma d’animation possède également ses titres qui sortent de nulle part et qui demandent qu’on y jette un coup d’œil. Nocturna est sans conteste un long-métrage qui mérite toute notre attention, à défaut d’être un petit bijou alors qu’il en avait toutes les capacités.