C'est un matin, pendant le tournage du film de Diane Kurys, Je reste !, alors qu'elle était au maquillage, dans l'hôtel Normandy, à Deauville, que Sophie Marceau eut l'idée d'une intrigue qui aurait pour cadre un palace. "Je m'intéresse beaucoup aux histoires humaines, aux destins, et je suis partie sur une histoire de famille , explique-t-elle. Ce qui m'a attirée, c'est l'envie de raconter la vie des gens, multiple, unique et à la fois universelle. L'hôtel permettait de réunir des gens qui ne se croiseraient jamais ailleurs, le long de couloirs mystérieux, avec autant de vies que de portes. Imaginer ce qui pouvait se dérouler derrière chacune était passionnant."
Sophie Marceau décrit La Disparue de Deauville comme "une quête au rythme d'un thriller". "Je ne désirais pas faire un film psychologique où ça parle tout le temps, j'avais envie d'action, confie-t-elle. J'aime que les choses aillent vite, que ça bouge, et le thriller permet d'aborder tous les sujets en y ajoutant le plaisir cinématographique, quelque chose qui soit jouissif à filmer et proposer au public. Le film est aussi une course-poursuite, un chassé-croisé entre ces gens qui se courent après. Tous cherchent quelque chose, ils n'imaginaient pas ce qu'ils vont trouver..."
Au départ, Sophie Marceau ne souhaitait pas jouer dans La Disparue de Deauville comme ça avait été le cas sur son premier film, Parlez-moi d'amour. "Tout le monde me disait qu'il était dommage que je n'y joue pas, explique-t-elle. Il y avait bien un rôle, mais qui n'était pas très développé. Un jour, inévitablement, ce personnage s'est mis à exister vraiment, il s'est mis à raconter quelque chose. Jusque-là, j'avais occulté son aspect mystérieux et il a bien fallu s'y atteler parce que cela manquait dans le scénario. Je n'ai pas pu résumer ce personnage féminin en un seul, il est donc devenu deux, un personnage dans la dualité, la double identité."
Le script de Sophie Marceau étant énorme, très dense et très long, les producteurs Oury Milshtein et Ariane Guez lui ont présenté le scénariste Gianguido Spinelli. "Les références de Sophie étaient assez hitchcockiennes et ce qu'écrit Gianguido, toujours très à tiroirs, est assez idéal pour un thriller, raconte Oury Milshtein. Tout en travaillant sur d'autres projets, ils ont écrit ensemble pendant trois ans. Jacques Deschamps, que j'avais rencontré sur Sans toit ni loi, a beaucoup d'humour. Il a apporté un recul, une distance vis-à-vis du projet de Sophie . Du coup, on est arrivé à un équilibre entre quelque chose de grave et des moments plus légers. De façon anonyme, nous avons ensuite donné ce projet à cinq ou six lecteurs dont nous souhaitions le regard extérieur. L'une des lectrices, Rania Meziani, en avait tiré une analyse très fine et elle est venue nous rejoindre."
Pour Sophie Marceau, le choix de Christophe Lambert dans le rôle principal est apparu comme une évidence. "Je me trouvais avec mes deux producteurs dans le bureau de Dominique Besnehard, se souvient-elle. Sa photo était sur une étagère et en la voyant, on a tous eu le déclic. Sans un mot, on s'est juste regardés : c'était lui, aussi simplement que ça. On lui a envoyé le scénario et il a répondu très vite et très favorablement, avec de vrais arguments. Il avait une façon de parler de l'histoire qui lui était presque personnelle. Il s'est complètement approprié le rôle. Il est devenu Jacques à part entière. J'avais vu peu de choses de lui, c'est quelqu'un de très particulier mais je ne le connaissais pas. Il est venu au personnage avec son histoire, toute sa vie, son expérience. Quand il incarne, tout devient fragile, vivant, complexe, passionnant parce que l'on découvre la personne en même temps que le personnage se construit."
L'un des lieux-clés où se déroule l'action du film est l'Hôtel Normandy, à Deauville. Malheureusement, pour Sophie Marceau, "sur ce seul lieu, il manquait le mouvement". "Ce palace a vraiment trouvé sa raison d'être le jour où Le Havre est devenu l'autre décor de l'histoire, confie la cinéaste. Il fallait faire la balance, le pendant entre Camille et Jacques, entre le Normandy et Le Havre. D'un côté il y a Deauville, le luxe, le velours rouge, les ambiances confinées, enfermées, les gens dans le silence, où les choses ne se disent pas, et de l'autre on trouve Le Havre, la ville ouvrière, traversée par les vents, où tout est vivant, vrai. Entre les deux, le pont de Normandie est comme un trait d'union. Le Normandy existe parce qu'il y a Le Havre et vice-versa. Ce sont deux univers assez opposés. Le flic vient d'un monde plus dur, mais le Havre est aussi une ville où les gens travaillent ensemble, où on trouve quelque chose de très communautaire, de très chaleureux. C'est une ville sublime de beauté, très cinématographique. Face aux containers et aux docks, les planches et le glamour de Deauville... Cela correspondait tout à fait au film."
Initialement, c'est Vincent Perez – à qui Sophie Marceau avait donné la réplique dans Fanfan et Je reste ! - qui devait jouer le rôle de Camille Bérangère, le fils des propriétaires du Normandy. L'acteur n'ayant pu rejoindre le tournage pour des problèmes d'emploi du temps, c'est Nicolas Briançon qui fut choisi pour le remplacer. La réalisatrice confie : " C'est le producteur Oury Milshtein qui a eu l'idée de Nicolas. Il m'a montré le film de Cédric Kahn, L'Avion, dans lequel il jouait pourtant un personnage complètement opposé à ce que nous cherchions, et j'ai senti son potentiel. Il a tout de suite été ému par le personnage, ce qui n'était pas évident parce que c'est un être ambigu, très doux, délicat, et les acteurs ont souvent peur d'abandonner le registre viril... Nicolas a eu envie d'entrer dans cette histoire à travers Camille. Nous avions déjà commencé le tournage depuis deux jours quand il est arrivé. "