Malgré son titre et son affiche assez trompeurs, "Il caimano" (2006) n'est pas un véritable biopic sur Berlusconi. Certes, il y est bien question du Cavaliere, mais de façon assez succincte, c'est un prétexte pour parler de la société italienne dans son ensemble.
En effet, le 10ème long-métrage de Nanni Moretti prend pour (anti-)héros un producteur quinquagénaire, représentation de l'Italien moyen, dont le mariage et la société partent à a dérive.
Dans ce contexte de déliquescence, cet homme se laisse convaincre par une jeune réalisatrice de produire un film sur Berlusconi, comme une sorte de baroud d'honneur.
Il se retrouve alors confronté aux pires difficultés pour mener à bien ce projet, tant ses partenaires potentiels sont fatalistes face à la situation politique de leur pays et décrètent que le peuple italien l'est tout autant. En gros, tous sont complices en ayant voté au moins une fois pour l'actuel Président du Conseil, et ne souhaitent pas se replonger dans cette tragédie politico-économique.
"Il caimano" montre bien comment au départ Berlusconi a conquis une majorité d'Italiens par le biais de son omniprésence télévisuelle, après être entré en politique pour échapper à la justice!
Un portrait à charge donc, comme on pouvait s'en douter de la part de Moretti, homme de gauche qui s'oppose aux valeurs ultra-libérales du "caïman", et a fortiori à ses magouilles et à ses débordements verbaux, ironiquement rappelés ici par quelques images d'archives.
Le film de Moretti ne convainc toutefois pas totalement, en raison d'une structure narrative un peu confuse, soulignée par quelques scènes familiales tragi-comiques qui paraissent en décalage avec le sujet politique. C'est de toute évidence la volonté de Moretti de mélanger les genres, mais perso "Il caimano" a fini par me perdre quelque peu au cours du récit, avant un dénouement réussi, une fois encore décalé mais fort.
Un mot sur la mise en scène de Moretti, fluide et porteuse de sens, et sur la distribution de qualité (Silvio Orlando et Jasmine Trinca se mettent en valeur).
Pour conclure, voici une œuvre intéressante, bien ancrée dans l'Italie du XXIème siècle, qui à défaut d'être passionnante de bout en bout apporte un regard pertinent sur la société transalpine et ses contradictions.