Oliva Oliva a remporté le Grand Prix de la compétition française, ainsi que le Prix du Meilleur son, lors de l'édition 2005 du Festival international du documentaire de Marseille. Le jury était présidé par Jean-Pierre Gorin.
Oliva Oliva fait écho à Terre sans pain, documentaire tourné par Luis Buñuel en 1933 dans la région de Las Hurdes (titre original du film). Le cinéaste espagnol avait pris pour pour point de départ la thèse de doctorat de Maurice Legendre, directeur de l'Institut français de Madrid. Celui-ci s'était rendu à plusieurs reprises à Las Hurdes afin de rédiger une étude à la fois géographique et sociologique sur cette région située dans le Nord de l'Estrémadure. Réalisé grâce à l'argent de Ramon Acin, un anarchiste qui avait gagné à la loterie, cette oeuvre sans concessions témoigne de la vie quotidienne pénible d'habitants sans le sou, et de la persistance de traditions cruelles (comme la décapitation de coqs vivants). Cette crudité valut d'ailleurs au film d'être interdit jusqu'en 1937. Peter Hoffmann a inséré dans Oliva Oliva des extraits de Terre sans pain. Lors de sa sortie en salles, le 11 janvier 2006, le film du cinéaste allemand, d'une durée de 1h10, est précédé par le court-métrage du réalisateur espagnol, qui dure 30 minutes.
"J'étais à Valladolid, en Espagne, où je gagnais ma vie en donnant des cours d'allemand et de français. Je connaissais Nono depuis quelques années, on avait vendangé ensemble en France. Un jour, il m'a emmené dans un rucher avec son frère Manolo, pour me montrer le travail avec les abeilles. Je ne comprenais rien à l'apiculture mais je trouvais ça beau et excitant, un peu inquiétant aussi. J'ai voulu en savoir plus, et filmer. Les Oliva étaient d'accord pour que je vienne filmer, ils me gardaient une place dans le camion. Il n'était pas question d'un "tournage", je venais en tant qu'ami de Nono, pas pour les déranger. J'étais curieux de voir ce qui se passerait et je m'attendais à apprendre des choses sur les abeilles, le travail et la famille (...) Un jour, Nono m'a appelé en me disant qu'ils allaient descendre en Estrémadure et que je pouvais venir."
Organisés en coopérative, les Oliva entretiennent plus d'un millier de colonies d'abeilles, certaines ruches étant situées dans des zones très isolées, à des centaines de kilomètres de Salamanque. Ils sont en permanence sur la route, en fonction des cycles des floraisons, transportant les ruches d'un lieu à un autre, mais toujours de nuit. Ajoutons que le village d'origine de la famille Oliva, Valero, est considéré comme un des plus grands producteurs de miel et de pollen d'Espagne, même si les apiculteurs n'y font pas fortune.
Oliva Oliva est le premier long métrage de Peter Hoffmann, cinéaste allemand né en 1957. Diplomé des Beaux-Arts, il fait partie depuis 1991 de l'équipe du Kino im Sprengel, une salle de cinéma indépendante réputée de Hanovre. Avant Oliva Oliva, il a signé une quinzaine de courts métrages.
L'une des originalités de Oliva Oliva est de mêler aux images (filmées en super-8) des photographies. "L'idée est pratique et économique", note Peter Hoffmann à propos de sa démarche. "Les photos étaient réservées pour les situations sombres, ou même de nuit, lorsqu'il n'était pas possible de filmer - ou bien lorsque je n'avais pas la caméra sous la main. J'essayais aussi de garder la pellicule super-8 pour les moments importants (...) Les photos refilmées peuvent atteindre une durée surprenante, comme par exemple celle où je suis à la banque. Ces moments de tranquillité, quand le mouvement de l'image s'arrête pour être uniquement suivi par la voix, me plaisent beaucoup. J'avais aussi à choisir entre la couleur et le noir et blanc, la pellicule photo ou la pellicule film. D'un côté, je voulais saisir les couleurs vives des rayons du miel. De l'autre, le noir et blanc renvoie au passé du cinéma. Il crée une plus grande distance entre le spectateur et l'image."
Oliva Oliva se présente sous la forme d'un journal filmé. Au départ, Peter Hoffmann tenait un journal pour lui-même, sans imaginer qu'un tel procédé puisse se révéler très enrichissant pour son film. Comme il n'avait pas la possibilité de filmer les ruchers les premiers jours, il a alors eu l'idée de coucher sur papier tout ce qu'il voyait autour de lui. "La forme du journal a plusieurs avantages", note le cinéaste, qui énumère : "il induit l'absence de scénario et surtout mon manque de connaissances et de compétence en matière d'apiculture. Il permet au spectateur de participer au trajet et de suivre des événements toujours imprévisibles. Et le plus important peut-être : le journal me permettait d'exprimer tout ce qui m'intéressait et d'intégrer dans le film ce que j'aurais dû éliminer dans un documentaire thématique."