Un taxidermiste épipleptique qui vient d'être quitté par sa femme accepte finalement l'invitation d'un collègue à une partie de chasse en Patagonie. Après s'être disputé avec ce dernier, il se retrouve seul dans la forêt, et tue par accident un inconnu. Il découvre que cet homme préparait l'attaque d'un fourgon de transport de fonds, et il prend sa place auprès des truands venus exécuter le coup.
L'aura, c'est la perception particulière de son environnement qu'un épileptique a dans les instants qui précèdent une nouvelle crise, à la fois "atroce et sublime". Dès le premier plan (un homme qui se réveille d'une crise devant un distributeur de billets), on sait que la brutalité de la survenue de la crise d'épilepsie sera un ressort de l'action.
Mais cette aura, c'est un peu le spectateur qui l'a durant tout le film : il a une perception distordue à la fois de l'intrigue et à la fois de ce qui est donné à voir. De l'intrigue, car il découvre avec le héros (présent d'un bout à l'autre) les pièces du puzzle qui dessinent petit à petit le plan du braquage, où chaque événement même mineur conduit à la violence finale. De l'image, car ici on est proche du fantastique : façon de filmer l'anodin comme porteur d'une menace, musique lancinante annonciatrice de la catastrophe à venir, présence d'un chien (ou d'un loup ?) dont l'apparition sur les lieux principaux est proche du surnaturel, pouvoirs étranges du héros, comme sa mémoire photographique phénoménale.
Cette impression d'hébétude n'est pas sans rappeler celle qui traversait "Insomnia", le très beau film sous le soleil de minuit d'Alaska d'Al Pacino. Mais ici, certains effets se retournent contre le film : la lenteur de l'action (132 minutes, quand même...), le jeu crispé et douloureux de Ricardo Darin, la photographie bleutée qu'on croirait obtenue par de l'ektachrome périmé...
Ce rythme étiré peut amener le spectateur à décrocher, et à ne plus se sentir impliqué quand survient enfin l'action, filmée avec nervosité. Il reste quand même de belles scènes, comme celle où le taxidermiste naturalise un renard à la grimace prémonitoire, ou encore celle de la discussion avec une petite fille qui va lui donner de précieux renseignements avec son langage enfantin. Nouvelle preuve de la vitalité de la production argentine, "El Aura" malgré ses défauts confirme qu'il est possible de développer un autre cinéma sur le continent américain.
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