C’est en quelque sorte un film "mort-né", comme en témoigne la lente agonie du second film de Kenneth Lonergan. Après Tu peux compter sur moi (2000), il revient avec un passionnant drame mettant en scène une adolescente qui assiste à un terrible accident de la circulation entre un bus et une piétonne. Impliquée malgré elle dans le drame, cela va la ronger et profondément la perturber. Margaret (2011) traine pas mal de casseroles derrière lui, en effet, le film a été tournée en… 2005 (!) et ce n’est qu’à la fin 2011 qu’il sort enfin aux States (août 2012 en sortie technique pour la France !). Pourquoi un tel retard ? Tout d’abord parce que Kenneth Lonergan a pris du retard et ajoutez à cela, il avait réalisé un film excédant les 180 minutes alors que son contrat avec Fox Searchlight (le département "indépendant" de la 20th Century Fox) stipulait que le film ne devait pas excéder 150 minutes. Mais le scénariste de Gangs of New York (2002) ne compte pas se laisser dicter par le studio et impose son director's cut, ce que refuse bien évidemment la Fox. A partir de là, un long bras de fer commence entre le studio et ses producteurs (notamment Anthony Minghella & Sydney Pollack, tous deux décédés en 2008, à deux mois d’intervalle). Finalement, le film dans sa version telle qu'elle nous est présentée, on la doit à Martin Scorsese qui accepta de prendre à sa charge les frais de post-production afin de rendre un montage (grâce à sa monteuse attitrée Thelma Schoonmaker) qui puisse satisfaire tout le monde (et surtout la Fox). Malgré cela, Fox Searchlight ne sorti le film (aux States) qu’en sortie technique, résultat le film fit un véritable bide et c’est d’autant plus regrettable que cette œuvre méritait d’être vu par le plus grand nombre et d’être mis sous le feu des projecteurs.
Sept ans après son clap de fin, on a donc la chance de pouvoir enfin le découvrir (ce qui ne sera pas le cas de Minghella & Pollack, deux des nombreux co-producteurs) et de constater à quel point Kenneth Lonergan est un metteur en scène brillant et un directeur artistique hors pair. A cœur de ce drame social et sociétal (l’Amérique post-11 septembre), on y retrouve une multitude d’acteurs venu de divers horizons, à savoir Anna Paquin, Matt Damon, Mark Ruffalo, Jean Reno, Matthew Broderick ou encore Kieran Culkin. Dans le rôle-titre, on retrouve la talentueuse Anna Paquin (bien qu’elle était âgée de 23 ans lors du tournage et que son personnage est censé en avoir 17, cela ne gêne en rien), elle en impose véritablement face caméra, elle est (presque) de tous les plans, elle monopolise le cadre et nous offre toute une palette d’émotions (le film avait failli se retrouver en course aux Oscars, en toute franchise, on aurait bien vu l’actrice se voir récompenser…). En résulte au final, un très beau drame sur la culpabilité, poignant et puissant, interprété avec une rage intense de la part de Paquin. En dépit d’une durée excessive (bien trop longue !) le film aurait largement mérité une toute autre attention, que ces simples sorties techniques à la va-vite (aucune campagne marketing en France !), un beau gâchis totalement honteux de la part de la Fox !