Claude Miller fait des merveilles avec des broutilles, mieux encore, il réalise des films qui marque, reste, perdure dans le temps et raconte à la fois un vécu, passé/présent et ouvre des portes d'avenir. Sans juger, diffamer ou condamner, à l'instar parfois d'un Louis Malle, il raconte et montre, démontre aussi que le cinéma est visuel, narratif, mais laisse place à un terme que l'on malmène souvent, une liberté !
Après, La meilleure façon de marcher vu il y'a quelques mois, L'Effrontée dont certaines thématiques se rejoignent m'offre le pendant de tenir compte de la filmographie d'un réalisateur qui en a sous la chaussure !
De cette toute première image, du Jukebox - prêté par l'illustre Christophe, l'apprend-on dans le générique de fin - démarre une chanson et non des moindres, " Sarà perché ti amo ", qui va accompagner l'ensemble de ce récit, va retentir encore et encore au fur et à mesure de l'ambiance, des humeurs de tout ce petit monde, de sa protagoniste principale, surtout ... Viennent ses bateaux, qui fendent la mer à toute vitesse, sous un soleil qui cogne. La aussi un point qui a son importance !
Néanmoins, passé cette première clameur, le film file vers une autre marche, plus autoritaire, dont la discipline se siffle et se résume au " hop " de son maitre nageur. On le voit tout de suite, cette petite Charlotte, tétanisé à l'idée de sauté de son perchoir, sous la désapprobation de l'autre idiot de moniteur et du rire moqueur du reste de ses compagnons resté à terre va donner du fil à retordre à tout ceux qui se dressent sur son chemin ! Sa fuite, recroquevillé dans le vestiaire et la compagnie de cette femme, de cette autre monitrice, de tennis, comme on l'apprend, va donner des idées à cette petite gamine de 13 ans, entre deux âges, qui va de cette petite blessure au genou guérir très vite pour embrassé d'autres maux, cette fois invisibles, mais dont elle a déjà extrêmement conscience, avec ignorance toutefois ...
Sa fixette, pour la musique, lors de ce cours auquel elle participe dans une classe qui n'est pas la sienne va dérivée vers une autre illusion, c'elle d'une identification à cette jeune fille derrière l'écran qu'elle visionne, du même âge, mais dont la trajectoire est synonyme de représentation, de concert, d'applaudissements manifestes. Le gros plan sur le visage de Charlotte - petite Gainsbourg incroyable - est sublimé par Claude Miller, qui récite les gammes de ses fonctions à entendre, comprendre et qui sans rien dire, laisse son spectateur s'immerger de cette scène absolument fantastique.
Les disputes, multiples, qui s'en suivent, avec le père, le frère - qui s'apprête à partir - avec Léone, sa " nourrice " mais aussi avec la petite Lulu, voisine un poil fragile va bercer le rythme de ce film qui œuvre dans une simplicité déconcertante à retenir se brides de parcours, pour en écrire un hymne fou de joie et de mélancolie, parfois ... Le bonheur est là, envers et contre tout ! Le comportement qualifié de " fantasque " par sa professeur, dont la lecture du bulletin de fin d'années dans la cuisine par Charlotte dans une floppée de quolibets à l'attention de cette dernière, puis pour chaque personne s'y trouvant et n'allant pas dans son sens est une autre petite crise dont on retiens son évidence. Au cordeau, se trame une fonte dans l'intimité de cette famille, unit à sa manière, dont l'on découvre dans un déroulé fécond ce lien étroit et fort, qui se niche en nous et nous entiche d'elle-même pour ainsi dire.
La rencontre avec ses voyageurs pas si inconnus va dès lors conduire l'adolescente vers une rêverie qui va la sortir de son ennui. A la fois stimulé et intimidé par la démesure qu'elle découvre, son caractère, déjà retentissant va encore s'accroitre ! La solitude, la jalousie, les colères, la peur qu'elle résume dans cette conversation nocturne avec son père, que ce dernier peine à contenir dans l'élocution de sa petite m'a vraiment touché ... " - Tu trouves pas que la vie est brusque ? " Le départ, tendre et rapide de son frère, offre pareil moment, délicat et furtif, déchirant surtout ! Cependant, on rigole à nouveau et ceux très rapidement. Dès le deuxième jour de vacances ou notre petite héroïne chamboule toute la baraque et pousse le patriarche à la mettre dehors ! De l'ennui, encore, elle dérive vers le monde, vers la ville, son bistrot, là ou elle rencontre belle et bien Jean, ce type entraperçu à la fabrique le jour plutôt. De cette relation, débute un mensonge à la question de celui-ci. L'âge qu'elle trafique, qui ne semble pas trop le déranger se termine sur un baisé volé et un rendez-vous pour l'après-midi acté.
C'est là que tout s'emballe, enfin, que tout se relie. La livraison de la chaise de piano à la jeune prodige découverte plutôt va rabattre les cartes du déroulé de la journée. La villa luxueuse, là ou l'air n'est plus asphyxiant, va poussé Charlotte à revoir ses plans. Au bord de la piscine, le ventre vide, le malaise la gagne, les rappels de son plongeon un peu contraint et forcé des jours précédents et la fringale qui la gagne l'amène à s'évanouir dans cette eau bleu de chez bleu mais très vite secouru, puis invité pour la réception du soir, par ces nouveaux compagnons fortunés. C'est d'ailleurs là qu'elle tisse une amitié avec Clara, dans un quotidien de deux copines, dans une proximité que l'on s'imagine propre et plus en adéquation qu'avec le vouvoiement auxquelles elles se prêtent. La robe rouge, revêtu pour le concert, participe à retendre en difformité le lien dans cette fiesta guindée du soir, de courte de durée en fin de compte ...
Après avoir filé à l'anglaise, elle retrouve les siens, Léone et Lulu, dans cette petite cuisine - que j'adore - et se livre au récit de cette nouvelle rencontre, entre réalité et rêverie. La nuit tombée, la fraicheur revenue, après la fin de parcours de la pipelette Lulu, là ou elle se retrouve à la fenêtre, sous surprend par la découvert plus bas de son courtisant... Elle le retrouve au bar le lendemain, ou elle lui confie ses envies, son départ qu'elle estime imminent ( le dimanche suivant ), tandis que lui lui partage autre chose, son désir, pour elle. La mention de son logement, à l'hôtel au dessus du perroquet - blase du bistrot de l'action - dans une flopée de bière qui l'enivre encore un peu plus pour des corps, jeune ou moins, réelle ou sur papier, dans une obsession que l'on va encore découvrir sous un autre regard dans sa suite ...
Le shopping et les essayages dans le jardin, avec les critiques, les cris, avant la réconciliations sous cet arbre est peut-être une des scènes les plus géniales de ce film dont les moments comme celui-ci pleuvent, mais dont le condensée reflète au fond ici et maintenant le mieux toute son étendu de conflit et d'amour. Un calme avant la tempête, même si il y'a là, déjà, pas mal de remouds !
La séquence qui les amènent dans la chambre est tout aussi asphyxiante que le manque d'air dans cet été caniculaire ! Le globe, objet de tout les possibles, puis arme contre le mal subit dans cet interstice, rappel que cette jeune adolescente affronte au cours de ces quelques jours toutes ses peurs dans une épreuve de bravoure qu'elle réussit admirablement bien ! Le concert, du dimanche qui doit tout changer en fin de compte n'a pas non plus l'effet escompté. La crise de sa petite camarade, les pleurs dans les toilettes à l'étage de la scène, puis le bref sourire de son " amie " n'atteignent pas les hautes attentes de Charlotte pour ce qu'il en est de son avenir ... La fin de la représentation se termine par une modeste lettre, un aurevoir qui se délite dans le récit, enfin qui se relègue à un autre, un peu plus loin, main dans la main ...
L'Effrontée, est de ses films qui raconte les saisons, les âges, et ne s'oublie pas totalement ... A la fois complexe et simple, le film carbure sur des chemins de compassions, de trajectoires qui chavirent et se redressent, dans un trouble qui suinte de réalisme et qui conserve une pars de rêverie, un monde flou ou tout est possible, envisageable, dont il n'y a aucune frustration malgré la brusquerie que nomme explicitement Charlotte. Que le lien qui subsiste est plus beau et important que tout, qui résume un petit film au fond très grand !
Mention pour ses acteurs, ses femmes surtout, à Bernadette Lafont, qui manque tant au cinéma. A Charlotte Gainsbourg, inoubliable petite friponne, une gamine géniale, que l'on veut voir grandir, autant que l'on souhaite la préservée à ce moment précis. Oui, un contraste pour finir ...