Lorsqu’il arrive à Hollywood en 1939, Alfred Hitchcock est censé tourner un film sur la catastrophe du Titanic. Le projet tombe à l’eau et le Maître du suspense ne retourne plus vers le film catastrophe. Jusqu’en 1963. En effet, Les Oiseaux peut être rattaché au genre tout comme on peut le voir un peu comme un film fantastique. Au premier genre, il reprend le principe de la situation d’êtres humains devant faire face à un environnement dangereux (ici, des animaux et par extension la nature). Au second, il reprend une situation à la limite du surnaturel (normalement, les oiseaux n’attaquent pas les humains et, lorsqu’ils agissent en groupe, ces regroupements ne concernent pas plusieurs espèces). Avec Psychose, Hitchcock avait atteint une sorte de summum de l’horreur causée par l’être humain. Pour faire plus terrifiant, il décida donc de se tourner vers la nature et l’inexplicable. Dans Les Oiseaux, les attaques de volatiles ne sont jamais expliquées ce qui augmente l’effroi chez le spectateur pouvant penser que cette menace réapparaisse dès sa sortie de la salle.
Hitchcock maîtrise l’art de faire peur et le prouve une fois de plus. Il a l’intelligence de prendre son temps à la fois pour présenter ses personnages
(il faut attendre presqu’une heure pour les attaques massives commencent : entretemps, nous n’aurons droit qu’à de légères prémisses permettant d’attiser le mystère chez le spectateur)
, nous permettant de s’attacher à eux (ce qui renforce l‘angoisse éprouvée pour eux), et pour dilater ses séquences. Ainsi, on peut trouver que les séquences les plus réussies et les plus effrayantes sont celles où on s’attend à la catastrophe imminente
(l’attente devant l’école, la montée vers le grenier ou encore la sortie finale de la maison)
. Pour autant, il ne faut pas croire que les séquences d’attaques d’oiseaux ne soient pas pour autant réussies. Les effets spéciaux extrêmement efficaces pour l’époque (même s’il faut reconnaître que certains peuvent être un peu voyants de nos jours) permettent d’offrir de véritables séquences de cauchemars
: qui peut oublier celles du grenier, de l’attaque de l’école ou de la ville saccagée par ses démons volants ?
En outre, le cinéaste travaille le son en véritable maître. Il choisit de n’utiliser aucune musique (même sur le générique), ce qui renforce le réalisme de la situation et l’attention au moindre bruit pouvant devenir terrifiant. Un soin particulier est, en effet, attaché aux trucages sonores et surtout aux cris d’oiseaux. Ceux-ci, recréés pour l’occasion à partir d’un Trautonium (un synthétiseur pouvant manipuler électroniquement des sons naturels créé par Oskar Sala), deviennent réellement terrifiants et remplacent ainsi l’habituelle bande originale. Il faut d’ailleurs noter pour l’occasion que, malgré l’absence de musique, la bande sonore a été supervisée par Bernard Herrmann, l’auteur des thèmes les plus marquants de la filmographie d’Hitchcock.
Malgré la prédominance laissée aux effets spéciaux, le réalisateur n’oublie pas pour autant de d’y insuffler certaines de ses thématiques personnelles.
On y retrouve ainsi une mère possessive (certes moins dangereuse que celle de Psychose) et une blonde pouvant prendre les devants sexuellement malgré sa froideur apparente (c’est elle qui choisit d’aller rejoindre Mitch à Bodega Bay alors que celui-ci ne s’attend plus jamais à la revoir).
Même si on pourra parfois regretter que l’interprète masculin principal puisse manquer un peu de relief, Les Oiseaux laisse une très forte impression chez son spectateur
(renforcée par sa fin ouverte pouvant laisser au public la décision de savoir si le cauchemar est terminé ou pas)
et reste un modèle du genre et peut-être le dernier chef-d’œuvre de son réalisateur.