J'avais entendu beaucoup de mal du film, " il a trop vieilli ", " c'est ridicule ". Oui bon, quel film ne vieillit pas ? ( ne pas répondre à cette question, c'est purement rhétorique ). Ma surprise n'en est donc que plus grande, et Les Oiseaux est un grand film.
Les oiseaux se fâchent pour tuer ( spoilers ).
The Birds est non seulement un film qui fait peur, mais surtout un film sur la peur. Shyamalan s'en souviendra sûrement pour Le Village et Phénomènes, ses deux films les plus hitchcockiens, du moins ceux qui se rapprochent le plus de The Birds. Hitchcock a mis en scène un film sur la terreur et toutes les réactions démesurées qu'elle provoque chez ceux qu'elle contamine. A l'époque il était évidemment impossible de faire cela, mais aujourd'hui il est évident que le spectateur ne cessera de faire le lien entre le film et un événement majeur comme le 11 septembre 2001. Chaque période a malheureusement son fait historique grave, je pense personnellement à 2001 puisque nous en sommes plus proches et qu'il nous a davantage affectés.
Il y a une séquence dans le film qui semble résumer cela, celle où la fille demande à ce qu'on lui amène les inséparables. La mère répond sèchement non, " they are birds " dit-elle. Sauf que ces oiseaux-là sont inoffensifs ( leur nom anglais est encore plus éloquent ). La mère se livre donc à un amalgame, elle ne fait plus la différence entre les terroristes puisque pour elle ils se ressemblent tous. L'Amérique de Bush avait un miroir d'elle-même 40 ans avant le 11 septembre, celle d'une nation dont certains citoyens ( pas tous évidemment ) auront une tendance à stigmatiser les arabes. Même chose une quinzaine d'années avant le film, dans la France d'après la Libération, où un allemand ressemblait sûrement trop à un nazi. Les Oiseaux dépeint formidablement bien l'état de trouble avancé provoqué par la peur, et l'incapacité intellectuelle de ceux qui la subissent. C'est Descartes, et son discours sur la passion qui empêche l'objectivité.
Les habitants de Bodega Bay cultivent leur incompréhension en démontrant incessamment leur bêtise. Il leur faut par exemple un bouc émissaire, et évidemment leur cible est celle qui n'appartient pas à leur communauté, soit l'étrangère ( Tippi Hedren, sublime ). Les oiseaux ont beau être effrayants, c'est surtout l'être humain qui fait le plus peur dans le film. Non seulement à cause de ce genre de réactions, mais aussi parce que les attaques des oiseaux peuvent être vues comme une métaphore de la cruauté humaine et de sa méchanceté, d'autant plus que l'humain - être a priori doué d'intelligence ( hum... ) - fait preuve d'une haine qui se révèle finalement inexplicable, comme sont inexplicables les réactions des oiseaux. Le film ne fait que s'interroger sur les raisons du mal chez l'être humain.
Sur la mise en scène, à part quelques séquences qui en effet sont plutôt ridicules ( comme souvent chez Hitchcock, quelques scènes alourdissent l'ensemble de l'oeuvre ), c'est du grand art. Tout paraît très simple et évident, que ce soit la manière dont Hitchcock retranscrit le regard ( beaucoup de plans subjectifs ) ou bien dans la manière posée de dire les choses. On sent bien que l'influence de la mise en scène de The Birds sera énorme, que ce soit au cinéma ou dans les jeux vidéos. Les créateurs de Resident Evil ( du moins les premiers opus ) ont clairement été touchés par ce film. On retrouve dans la saga vidéoludique une même esthétique du plan fixe, une manière de montrer les choses crûment mais jamais gratuitement ; ça choque, ça prend aux tripes, mais ça n'est jamais vulgaire. Le travail sur le son est également remarquable, et il y a des silences effrayants dans The Birds ( encore une fois, du vide, du " vide sonore " ). C'est fait très simplement, et cette manie de dire les choses sans les imposer fait beaucoup dans l'horreur que provoque le film.
Chef d'oeuvre du film d'horreur.