En 1992, le cofondateur du Studio Ghibli, Hayao Miyazaki, réalise son sixième long-métrage, juste après Kiki la petite sorcière, trois ans plus tôt. Mais à la différences de ses précédentes créations, celle-ci est marquée par un certain réalisme, et par la volonté d'ancrer l'histoire dans une période historique ayant existé et des frontières géographiques qui existent toujours.
En effet, dans l'Italie de l'entre-deux-guerres (1929), alors que la crise économique et la montée du fascisme frappent le pays, Marco Pagot dit "le Porc rouge", ancien pilote réputé de l'armée aérienne de son pays, oeuvre désormais en tant que chasseur de primes et doit affronter les dangereux pirates du ciel qui gagnent leur vie en volant des voyageurs innocents sur les mers de la Méditerranée et de l'Adriatique. Accompagné dans sa mission par la jeune et brillante Fio, le pilote torturé, solitaire et marginal devra défendre les innocents et son honneur, sur fond de rivalité avec un pilote peu scrupuleux et d'amour inavoué avec une belle et célèbre chanteuse Gina, gérante de l'hôtel Adriano.
A la différence des autres créations existant déjà en 1992, ou même de la plupart de celles à venir, Porco Rosso marque par son réalisme (appuyé également par les apparitions de marques connues, un fait rare dans l'univers de Miyazaki) son sérieux, sa mélancolie (un sentiment accentué par les couchers de soleil à plusieurs reprises) et par une certaine forme de violence (
le combat final à mains nues entre les deux pilotes chevronnés
). La dénonciation de la guerre et de ses conséquences terribles et absurdes est également un élément majeur du film, mais n'est pas pour autant une nouveauté (Nausicaä de la vallée du vent, le Château ambulant et Princesse Mononoké). La dimension historique du film est également nourrie par l'introduction d'une célèbre chanson du répertoire français : le Temps des cerises, interprété à merveille dans la version originale par Tokiko Kato, une doubleuse japonaise. Ici, nous sommes donc loin des images poétiques des traditionnels films du Studio Ghibli, encore qu'on peut profiter de la beauté et de la féerie de certains paysages à l'occasion de quelques séances de vol au-dessus de la mer.
Enfin, plusieurs anecdotes sont intéressantes au sujet de cette création. D'abord, le fait que le format final du film, ainsi que la finalité de ce dernier, ne correspondent pas du tout au projet original (45 minutes destinées à être projetées lors des vols de la compagnie Japan Airlines). C'est au fur et à mesure de la création du film et de son aspect sérieux et grave qu'il fut choisi pour le cinéma. Ensuite, cet hommage à l'aviation, que Miyazaki, grand passionné du sujet, a attendu cinq films avant de réaliser. D'ailleurs, le nom du studio (Ghibli) est avant tout celui d'un avion de reconnaissance développé par l'Italie entre 1936 et 1947. Enfin, un parallèle amusant lorsqu'on se penche sur les doublages français et les personnages interprétés par ces derniers : le héros chasseur de primes, doublé par Jean Reno, est accompagné d'une jeune fille dans son aventure, deux ans avant la création du film Léon et de la répétition troublante de ce rapport.