Pour sa première incursion dans le monde du cinéma, Kevin Smith réussit un véritable petit exploit : celui de réaliser avec un budget fauché une incroyable sympathique comédie en lui donnant une identité propre avec son image en noir et blanc, ses situations cocasses et ses dialogues truculents ! "Clerks" nous entraîne dans une journée de la vie de Dante et Randall, employés d’un « Quick Stop », l’un à la caisse de la supérette, l’autre gérant la location de films.
N’ayant pas d’argent, ni d’un véritable scénario digne de ce nom, Smith opte pour la tranche de vie sur 24 heures découpée en petits chapitres, chacun relevant d’une situation différente. Et la voilà la véritable force de "Clerks" : ses scènes décalées à l’humour parfois absurde comme le client qui empêche les autres clients d’acheter des cigarettes sous prétexte que c’est mauvais pour la santé, l’évocation des ex de Veronica (
« Chaque fois que je t’embrasserais, je sentirais le goût de 36 mecs !!! »
), le type qui examine toutes les boîtes d’œufs ou quand Caitlin croit qu’elle a couché dans les toilettes obscures avec Dante alors qu’il n’était pas là. En outre, certaines autres scènes sont truffées de dialogues formidables comme les questions cons des clients, la mort du cousin Walter, la discussion délirante sur la fin du "Retour du Jedi" avec les ouvriers de l’étoile noire ou encore cette scène hilarante où une cliente vient demander un dessin animé pour sa petite et que Randal passe sa commande devant elle à voix haute en débitant des titres de films pornos plus burlesques et improbables les uns que les autres (
« Ramones moi tous les tuyaux », « Ma queue sur tes melons volume 8 », « Huit pines et un p’tit con », « Salopes Assoiffées, le Retour », « Braquemart Noir et Foutre Blanc », « Queues au garde-à-vous »)
: cultissime !! Et c’est grâce à cet enchaînement de scènes gratinées sans temps mort que le film arrive à nous distraire pendant une heure et demie sans jamais nous ennuyer une seule seconde, d’autant plus que les personnages sont très travaillés, qu’il s’agissent de Dante et Randal (dans lesquels on peut facilement se retrouver par rapport à leurs soucis) ou de ce duo loufoque de glandeurs Jay et Silent Bob (joué par Smith lui-même !).
"Clerks" est donc un superbe premier coup d’essai, une petite satire corrosive totalement décalée, une réussite complète dans laquelle Kevin Smith nous offre une écriture de très grande qualité et une succession de situations d'anthologie et ce sans véritables moyens : le VRAI cinéma, CELUI qu’on AIME !! Vivement le prochain !