Après Reservoir Dogs, Tarantino ne perd pas de temps et enchaîne tout de suite avec un nouveau projet qu’il écrit en collaboration avec Roger Avary une nouvelle fois. Reprenant deux des acteurs fars de son premier film à savoir Tim Roth et Harvey Keitel, ces derniers tiendront des rôles moins centraux. Car en effet, John Travolta, Uma Thurman, Ving Rhames, Bruce Willis, et surtout Samuel L. Jackson avec qui il marque le début d’une très longue collaboration, sont de la partie, et un tel casting pour un second long-métrage est toujours à mettre en avant.
Pulp Fiction raconte l’histoire…euh pardon, plusieurs histoires qui vont s’entremêler d’une façon ou d’une autre, un gars qui doit garder la femme du patron le temps d’une soirée, un autre qui doit s’enfuir sous peine de se faire tuer, un couple qui prépare un hold-up bref le film est séparé en plusieurs fragments, un puzzle dont les pièces sont disséminées dans le désordre. Et c’est là toute la maestria du film ! Ce choix d’écriture assez couillu est très original et nous surprend dans chaque scène. La narration n’est donc pas linéaire mais saturée, ce qui donne lieu à des scènes qui ne se suivent pas forcément entre elles, mais les intrigues restent claires et faciles à suivre. Car si l’on se demande pourquoi Vincent Vega et Jules Winnfield passent des costards aux habits de plage en même pas trois minutes, rassurez-vous, vous aurez la réponse. Au-delà de ça, Tarantino et Avary écrivent un scénario où l’humour noir et le cynisme sont omniprésents y compris dans les scènes les plus violentes
, je pense notamment à cette scène où Vincent Vega tue accidentellement un gars dans une voiture. Aussi absurde que cela puisse paraitre, ce passage est hilarant !
Ce genre de passage très décalé sert justement l’histoire et a de l’impact par la suite, contraignant les personnages à changer de plan s’ils veulent s’en sortir. Il faut également souligner que Tarantino et Avary écrivent des scènes dont la plupart sont vraiment barrées.
Je pense notamment au passage où Vincent et Jules survivent miraculeusement à des balles tirées par un gars juste en face d’eux, et à cette scène où Butch et Marcellus se retrouvent ligotés dans une cave en compagnie de deux violeurs et qui vont notamment faire des coquineries avec un des deux.
On sait que la violence est une des thématiques fortes de Tarantino, hé bien s’il montre Uma Thurman se venger dans Kill Bill à coup de sabre, c’est bien Bruce Willis dans Pulp Fiction qui a le privilège de se servir de cette arme
pour se venger de ses deux ravisseurs
. Et c’est justement là où j’aimerais revenir sur un point. Comme dans Reservoir Dogs, on a ici à faire à des personnages qui doivent se salir les mains à un moment donné. Là où l’on devrait avoir de la pitié pour certains personnages victimes de nos bandits, Tarantino pense autrement, et on se retrouve souvent face à une violence que le réalisateur filme comme iconique, jubilatoire voire même totalement fun,
il n’y a qu’à voir le passage où Bruce Willis attend que ses tartines sortent du grille-pain pour flinguer John Travolta, tel une scène d’affrontement dans les westerns où les regards précèdent le dégainement (on voit déjà que QT aime les westerns, il va le prouver des années plus tard).
SI certaines scènes sont devenues cultes, c’est principalement grâce à la mise en scène. Tarantino a une maitrise du cadre indéniable, et s’il le confirmera encore plus par la suite, sa patte ici se faire ressentir. Les plans-séquence, la violence jubilatoire, les longs dialogues…il prend son temps pour sublimer chaque scène et surtout iconiser les acteurs et actrices qui y croient à mort et se donnent à fond. Samuel L. Jackson est pour moi le meilleur acteur du film, pas pour rien que ce dernier jouera dans presque tous les autres films du réalisateur. En témoigne cette scène au début du film, où cette citation de la Bible, ces plans en contre-plongée pour le montrer en position de force et le carnage qui s’en suit en font une scène culte où Jackson démontre tout son talent et s’en donne à cœur joie. Cette scène cristallise l’entièreté du métrage, au début elle commence tranquillement, les personnages parlent de tout et de rien (ici de cheeseburgers), puis le ton monte, ça commence à partir en vrille, avant qu’une giclée de sang vienne conclure la scène en beauté. Telle est la « Tarantino touch » dans toute sa splendeur, présente dans l’entièreté de sa filmographie future.
Au final, Pulp Fiction est un objet filmique non identifié. Une œuvre originale, d’une maitrise totale, bouleversant les codes cinématographiques classiques, pour un trip violent et par moments jubilatoire, et on peut le dire, une œuvre unique en son genre. Grand vainqueur de la Palme d’Or à Cannes en 1994, et lauréat de l’Oscar du Meilleur scénario original la même année (Pulp Fiction ne sera pas le dernier à avoir cette récompense pour Tarantino), Quentin Tarantino s’impose déjà comme l’un des réalisateurs les plus novateurs et des plus baroques de l’époque grâce à son style si singulier et séduisant.