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Cinéphiles 44
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4,0
Publiée le 12 décembre 2024
Présentée en juillet 2024, la version restaurée de "Napoléon" d'Abel Gance offre une immersion fascinante dans les origines de l'empereur. Cette première partie, d'une durée impressionnante de 3h51, restitue avec brio les innovations techniques et narratives de Gance. Les scènes emblématiques comme l'enfance de Napoléon à Brienne et le siège de Toulon sont sublimées par un montage dynamique et l'utilisation du split-screen, une prouesse pour 1927 qui reste saisissante près d’un siècle plus tard. Gance capture, à travers une mise en scène audacieuse, les prémices de la grandeur napoléonienne, tout en établissant un jalon incontournable de l'histoire cinématographique. Fruit de 15 ans de restauration, cette version témoigne d'un respect patrimonial et offre un moment de cinéma à la fois exigeant et inoubliable pour les passionnés.
L'admiration d'Abel Gance pour son sujet est indéniable et transpire à travers toute l’œuvre. Vision lyrique et pour ainsi dire mythifiée de la vie de Napoléon, cette première partie qui embraie dès l'enfance démontre déjà, outre un sens rythmique aiguisé, une approche novatrice dans le cinéma français en termes de mise en scène. Le film est symboliste jusqu'au bout de la pellicule, distillant des moments forts et une dramaturgie bien installée, et glissant même quelques traits d'humour. Bien sûr, la dimension muette rend ce visionnage singulier à notre époque, mais la force de l'image est évidente.
En 1921, Abel Gance est déjà un réalisateur français reconnu et célébré depuis le succès de « J’accuse » (1919) dont le titre est inspiré du célèbre article d’Émile Zola paru le 13 janvier 1898 dans « L’Aurore » en faveur du Capitaine Dreyfuss convaincu d’intelligence avec l’ennemi. Le film sorti juste après la fin de la Grande Guerre qui en fait son théâtre d’action sur fond de romance amoureuse tragique a été parfois perçu par la critique comme délivrant un mélange peu orthodoxe et assez confus entre pacifisme et patriotisme. Après avoir assisté en 1921 à une projection de « Naissance d’une Nation » de D. W. Griffith, Gance fut fortement impressionné par la dimension épique du film. Sur le même principe Abel Gance envisage à son tour de rendre hommage à l’épopée napoléonienne, l’Empereur étant mort cent ans plus tôt à Sainte-Hélène, le 5 mai 1821. Une épopée qu’il conçoit sur huit épisodes englobant l’ensemble du parcours du grand homme encore héros national à l’époque. Abel Gance a conçu un projet s’élevant à 20 millions de francs pour l’ensemble des huit épisodes. Le tournage du premier film avec ses trois premiers épisodes (La jeunesse, La Terreur et Arcole) dépassant les 17 millions de francs ajoutés à la faillite de son bailleur de fond principal (l’Allemand Hugo Stinnes), anéantit malgré le succès rencontré en salles, la poursuite de l’œuvre gigantesque entreprise . Les décennies passant, le film amputé et plusieurs fois remonté, est devenu un mythe notamment en raison du nombre de versions et de restaurations qui se sont succédé. Avant la restauration lancée en 2008 par la Cinémathèque Française sous l’égide du chercheur et cinéaste Georges Mourier, Henri Langlois et Marie Epstein en ont proposé une version de 19 bobines à la Mostra de Venise en 1953 suivis par l’historien anglais spécialiste du cinéma muet Kevin Brownlow avec pas moins de trois versions (1979,1983 et 2000) et enfin Bambi Ballard qui déjà commandité par la Cinémathèque Française en présenta une autre en 1992. Francis Ford Coppola grand admirateur du film et de son réalisateur affirme que pas moins de 19 versions auraient été en circulation. Cette quête d’une version définitive entoure le film d’une part de mystère qui fera beaucoup pour son aura. La dernière en date dont on ne peut affirmer qu’elle sera la dernière a été projetée séquencée en deux films de respectivement 3h51 et 3h21. « Napoléon » joyau d’un cinéma muet français jouissant d’un prestige moindre que celui du cinéma allemand des Fritz Lang, Wilhelm F. Murnau, Robert Wiene, Paul Wegener ou du cinéma américain des D.W Griffith, Erich Von Stroheim, Charlie Chaplin et Frank Borzage a été diffusé en intégralité sur une chaîne de télévision nationale avant une exploitation sur support DVD prévue en 2025. En un siècle on ne peut que constater combien l’image de Napoléon a évolué au fil des travaux d’historiens de diverses obédiences ne retenant parfois que l’image d’un dictateur omniscient et obsédé par son propre reflet, le tout au mépris de la vie humaine. Le travail d’Abel Gance notamment pour cette période, la plus glorieuse couverte par les trois épisodes en question, ne remonte donc pas à la surface sur une mer très calme. Assurément pour apprécier le travail titanesque d’Abel Gance en ce XXIème siècle de toutes les incertitudes, il faut regarder le film en le replaçant dans le contexte de son époque. Exercice qui semble de moins en moins à la portée de tout un chacun alors que le bond de géant effectué par le progrès technique pousserait certains à penser que l’histoire désormais commence à l’ère du numérique. Muet, son film trop long, Abel Gance aurait sans doute gagné à plus de concision afin de donner plus de force à son épopée qu’il étire en de nombreux passages notamment lors de la première partie consacrée à l’enfance et à la jeunesse du futur général dont on comprend rapidement que Gance entend convaincre que sous le mioche moqué par les plus grands que lui, couve déjà le génie tactique du pont d’Arcole (l’épisode un peu naïf de la bataille de boules neige dans la cours de l’école de Brienne). Cette partie forcément moins documentée de la vie de Napoléon ne méritait pas autant d’attention de la part d’un réalisateur qui se disperse quelque peu ayant recours à des personnages fictifs superfétatoires qu’il emmènera jusqu’au bout des sept heures de projection. Heureusement la jeune fille de boulanger transie d’amour pour le jeune écolier sera interprétée adulte par la très gracile et photogénique Annabella. L’apparition sur l’écran d’Albert Dieudonné finalement choisi après que Ivan Mosjoukine a refusé le rôle de Napoléon, permet au film démarré en mode mineur de prendre enfin son envol. Complétement investi, l’acteur déjà âgé de 38 ans conscient de tenir ici le rôle de sa vie apporte toute sa fougue et la noirceur d'un regard que Gance ne se prive jamais de filmer en gros plan. Parallèlement au parcours chaotique du jeune Bonaparte au sein d’une armée ankylosée, scandé par des retours en Corse pour contrer les acoquinements de Pascal Paoli (son ex-mentor) avec les Anglais, Gance suit les soubresauts de la fièvre révolutionnaire qui monte jusqu’à l’acmé de la Terreur où Robespierre (Edmond van Daële) et Saint Just interprété par Abel Gance lui-même s’activent à faire couper les têtes qui dépassent. Les moments les plus importants prennent la forme de tableaux grandioses rappelant ceux du peintre Jacques-Louis David lui-même député de la Convention. Une esthétique romantique de la part d’Abel Gance, rendant parfaitement ce que l’imaginaire peut retenir de ces moments de catharsis où la violence prend presque systématiquement le pas sur les bonnes intentions du départ. A partir de la seconde partie, les longueurs sont moins pesantes, le récit retrouvant toute sa force, porté par un Dieudonné en apesanteur. Quand la campagne d’Italie inaugure la période de gloire de celui à qui plus rien ne résiste, arrive alors très à propos le procédé nommé « Polyvision » par son créateur Abel Gance épaulé par André Debrie, ancêtre du Cinémascope qui permet d’obtenir grâce à trois caméras projetant sur trois écrans différents, une image trois fois plus large tout à fait adaptée aux scènes de bataille. L’effet est saisissant, voyant Napoléon à cheval sortir d’un écran pour entrer dans un autre. Belle manière de finir cette entreprise qu’on ne pourrait plus concevoir aujourd’hui où les projets de films se construisent essentiellement sur des bases marketing. Artiste d’un autre temps, quelquefois décrié souvent controversé, Abel Gance a réussi le tour de force de faire encore parler de lui alors que son chef d’œuvre est bientôt centenaire. De quel réalisateur français contemporain parlera-t-on en 2124 ?
Magnifique le Napoléon d'Abel Gance que j'avais vu enfant (notre mère nous avaient autorisé à nous coucher tar pour le voir, la veille d'un jour d'école car ce film était si exceptionnel ! et le souvenir était devenu flou, car oui, je n'avais que 12 ans! et j'avais un désir ardent de le revoir.... mais cela ne repassait pas à la télévision.... plus de 40 ans il a fallut attendre, je ne m'y attendais plus lorsque France 5 le repasse numérisé! Et oui, j'en avais oublié des choses, mais en le revoyant, l'émotion est intact... alors si vous avez peur de ne pas pouvoir vous concentrez sur un film de 7 heures en noir et blanc (ce qu'il n'est pas tout à fait!) et bien regardez-le par morceaux, cela vaut vraiment le coup d'œil car Abel Gance à tout fait pour retenir le spectateur devant l'écran : tristique au final, des scènes qui au lieux d'être en noir et blanc voit le blanc changé par une couleur ! et pas toujours la même! Dans le texte on indique les faits historiques! Des surimpressions d'images et de fantastiques transition ! Vraiment on est impressionné par le génie créateur d'Abel Gance malgré des moyens techniques limités ! Des scènes incroyables comme dans la première partie sa première bataille dans son école où il apprendra à devenir un militaire, une bataille de boule de neige mémorable, et dans la deuxième partie un personnage historique qui sauve Joséphine en mangeant son dossier, ou encore Napoléon qui refuse un poste en Vendée pour ne pas tuer de Français alors que tant d'ennemie menace la France, et si l'on utilise des symboles, on est bien plus près du personnage historique, aimant la révolution mais détestant ses excès que bien des films propagandistes qui le fond passer pour un boucher! Vraiment à voir même si on visionne en plusieurs fois, avec une musique rajouté sans savoir ce qu'Abel Gance avait prévu, mais les morceaux sont si bien choisis, que certainement il aurait été ravis du résultat ! Absolument magnifique !
Jusqu'à présent, je n'avais jamais eu l'occasion, ni surtout le courage, de visionner le célèbre "Napoléon" d'Abel Gance. J'étais perdu devant les multiples versions et remontages qu'il en existe, et effrayé par la durée gargantuesque de chacune d'elles. En 2024 sort cette restauration, issue d'un travail de fourmi de 16 ans (!) commandé par la Cinémathèque Française. Visant à reconstituer la "Grande Version" présentée en 1927, couvrant essentiellement les années 1792-1796. Et d'une durée de plus de 7 heures... Voilà enfin l'occasion de s'y mettre, et en full HD s'il vous plait ! Et bien... waouh. Le défaut évident est la durée très luxueuse, qui en rebutera plus d'un. Certains passages auraient pu/du être écourtés. Tels que le prologue sur l'enfance à Brienne. Ou le début de la deuxième partie, après le siège de Toulon, où il y a un passage à vide, Napoléon étant en retrait de l'intrigue. Les restaurateurs ont voulu préserver les idées d'Abel Gance de l'époque plutôt que de mettre le rythme au goût du jour. Soit, ça s'entend complètement. Pour le reste, "Napoléon" mérite parfaitement sa réputation de must du cinéma muet et du cinéma français. Abel Gance livre un film aussi audacieux que monstrueusement ambitieux, tant sur la forme que le fond. Avec de nombreuses séquences qui prennent aux tripes. La première Marseillaise entonnée devant une foule, en pleine Révolution. Une poursuite endiablée à cheval, avec caméra à l'épaule et traveling : totalement dingue pour l'époque. Divers montages presque psychédéliques, sur les affres de la Révolution, dont une scène de fantômes très réussie. Le siège apocalyptique de Toulon. Et bien sûr toute la dernière demi-heure, tournée en polyvision (3 écrans / caméras agencés), soit en format 4:1 complètement délirant. De quoi permettre des plans de fous bien avant le cinémascope, et des expérimentations lyriques barrées. A côté, l'écriture du personnage est très intéressante. On est clairement dans un portrait iconique, Napoléon étant présenté comme une figure d'autorité (sur)naturelle, un génie militaire, et un despote éclairé, motivé par la propagation des idées de la Révolution. De nombreuses citations historiques tentent de nous faire croire que ce qui est à l'écran est la vérité. Toutefois ce parti pris très fort est ostensiblement assumé. Pourtant il y a aussi des passages qui rendent Napoléon très humain, avec de l'humour inattendu. Dont le volet de séduction de Joséphine, où Napoléon apparait comme un parfait ahuri ! Albert Dieudonné tient clairement là le rôle de sa vie... et de sa mort (il sera enterré avec un costume de Napoléon). Par ailleurs, le film ne se prive pas pour livrer une peinture au vitriol de la boucherie que fut la Révolution. Sans aucune pitié pour Robespierre, Danton, ou Marat, affichés comme des fous furieux. Bref, c'est un beau portrait d'une figure marquante, doublé d'une fresque historique d'ampleur sur des années terribles. La cerise sur le gâteau étant la magnifique restauration. De bons choix de musique, et une qualité d'image incroyable pour une oeuvre qui a pratiquement un siècle. Foncez à l'assaut des 7 heures !
Une œuvre opératique et par moments hypnotisante, emprunte d'une modernité assez stupéfiante pour un film de 1927.
Des flottements et des longueurs par-ci par-là (en particulier dans sa 2e partie, un peu moins passionnante), ce qui est presque inévitable dans un film muet de plus de 7h.
Une odyssée cinématographique dotée d'une ampleur indéniable et d'une réalisation frôlant parfois l'expérimental (le triple écran panoramique, assez dingue), remise aujourd'hui en lumière dans sa version intégrale d'origine grâce à un travail de restauration titanesque de plus de 16 ans.
Un très gros (presque trop gros) morceau de 7e Art que je suis bien content d'avoir enfin pu découvrir, même si personnellement, des œuvres comme «L'Aurore» ou «Metropolis» me parlent et me touchent davantage (pas assez fan de Bonaparte sans doute ^^).
Passionné par Napoléon et son époque j'attendais ce film avec impatience et il est à la hauteur des attentes. Tout à été dit sur ce film fleuve de plus de 7 heures. La première partie qui dure 3h55 s'étends de la jeunesse de Napoléon au siège de Toulon qui dure à lui seul 1h20 ! Evidemment pour nous, spectateurs du XXIème il n'est pas toujours face de voir un film de 4 ou 7 heures tant nos standards ont évolués en matière de durée de films.
Près de 4 heures pour la seule partie 1 c'est long et pourtant malgré la fatigue on ne s'ennuie pas un instant. Certains effets spéciaux de 1925-1927 sont toujours aussi crédibles. La jeunesse de Napoléon est passionnante et présage le stratège à venir et son esprit de vengeance. La séquence de la Marseillaise est magistrale. Que dire de la représentation de la Révolution Française, pour moi la plus réussie sur le sujet au cinéma qui montrant la frénésie révolutionnaire sans en occulter les dérives. N'oublions pas qu'il s'agit du Napoléon "VU par Abel Gance" et qu'il n'entendait pas en faire une œuvre biographique. Et pourtant dans l'esprit c'est fidèle à l'histoire ! En fait on pourrait citer chaque scène tellement elles sont géniales dans leur traitement, par l'originalité déployée par Gance pour nous raconter SON Napoléon. J'en finirais simplement avec celle qui nous montre à l'écran le futur amiral Nelson, simple officier de la Royal Navy qui demande a son supérieur de couler un navire suspect....sur lequel se trouve napoléon. Rencontre inventée, scénaristiquement faible mais dont le rendu à l'écran est magnifique (Nelson sait inconsciemment que son plus grand ennemi se trouve là face à lui, et que leur rencontre n'est que partie remise).
Passons à la restauration du film. J'ai eu la chance de voir ce film à l'occasion des Impériales à la Roche-sur-Yon, avec une présentation du film par Georges Mourier en personne ! Passionnant et passionné ! Travail titanesque de 16 ans pour retrouver les pellicules, les numériser en 5K, remonter le film, retrouver la coloration des pellicules, restaurer à proprement parler le film de façon numérique, pour un résultat à couper le souffle.
Le seul bémol dans cette restauration c'est pour ma part l'accompagnement musical. En l'absence d'une partition originale, le parti pris de proposer des œuvres méconnues est très bien mais bien souvent la musique d'accompagnement ne va pas très bien avec la séquence en cours. Par exemple sur la double tempête, là ou la composition de Carl Davis nous faisait sentir une véritable tourmente, on a ici une œuvre qui n'évoque rien. Malgré tout dans d'autres séquences l'accompagnement musical est au top !
Merci au Ciné St Leu d’Amiens de nous avoir présenté le film « Napoléon vu par Abel Gance » en 2 parties, l’une de 3 h 51 et l’autre de 3 h 27 allant de l’école de Brienne au début de la campagne d’Italie en 1796. Cette épopée dans sa « grande version » est inédite et n’a jamais été vue depuis 1927, car elle est le fruit d’une aventure de 16 ans sans précédent dans l’histoire de La Cinémathèque Française, avec une version remastérisée en 5K conforme aux souhaits initiaux d’Abel Gance… Une reconstruction menée par Georges Mourier et dotée d'une partition musicale d’une grande qualité de Simon Cloquet-Lafollye, enregistrée par les orchestres de Radio France. Sur le plan cinématographique, on ne peut que saluer les prouesses d’Abel Gance avec ces mouvements de caméras (travelling, balançoire…), ses images superposées (jusqu’à 16 images) et ce superbe triptyque pour la campagne d’Italie. Dieudonné est excellent avec son regard hypnotique aquilin et sa force de conviction. Certes quelques longueurs et mièvreries de nos jours et quelques libertés prises avec l’Histoire… mais aussi quelques passages drôles comme celui du « thermomètre de la Terreur » et de ce greffier avalant les dossiers de condamnés ou encore une bataille de polochons qui a surement donné des idées à Jean Vigo pour « Zéro de conduite » (1933). Un chef-d’œuvre du cinéma mondial créé en réponse au fameux « Naissance d'une nation » de D. W. Griffith, sorti lui en 1915.
Première des huit fresques initialement prévues par Gance pour restituer toutes les étapes de la vie de Napoléon Bonaparte - seules deux ont finalement vues le jour, une véritable tragédie -, cette partie nous plonge dans l'enfance du futur général, lorsqu'il faisait ses classes à Brienne, et s'arrête à la conclusion du premier grand moment de sa vie qui en connaîtra une multitude d'autres : Le siège de Toulon, en 1793. Et, que dire ! Si Gance se permet un certain nombre de libertés avec l'histoire - dans l'ensemble, les grandes lignes sont respectées -, ce n'est que pour mieux servir un propos faisant la part belle au symbole. Ils sont nombreux, parfois subtils, et se servent souvent de ces grandes phrases de l'histoire pour donner encore plus d'impact au propos : Nous voyons évoluer quelqu'un d'exceptionnel. La comparaison maintes fois établies entre Napoléon et un Aigle participe ainsi au souffle épique d'une œuvre virtuose. Car aux techniques de réalisation novatrices pour l'époque, se conjugue également un sens de la démesure qui n'a rien perdu d'impressionnant - Comptons toute la séquence de la Marseillaise, toutes les scènes dans la Convention, toutes les scènes de la bataille -. Mieux, on se prend à rêver de ce que ça aurait pu donner aujourd'hui. Gance essayait il de réaliser une série avant l'heure ? La question se pose légitimement ; car selon les standards de cette première partie, l'ensemble de 8 films aurait bien duré quelque chose comme une trentaine d'heures ! Rien que ça ! Nul doute que le résultat en aurait valu la chandelle. A rebours des innombrables portraits noirs de l'individu et de ses réalisations, des réévaluations et des commentaires négatifs à son encontre (Napoléon le Tyran/dictateur, Napoléon l'assassin, Napoléon le criminel… Et quoi d'autre, encore ? Le bicentenaire de sa mort nous a fourni pléthore de discours de comptoir de ce genre, heureusement que le ridicule ne tue pas) Napoléon de Gance donne une vision presque "humaine" de l'homme. Certes, il est perçu comme une sorte de demi-dieu, mais Albert Dieudonné, son interprète, sait donner du relief au personnage. Son caractère, certains de ses excès, certaines de ses qualités, tout est présent dans le film. On pourra peut-être déplorer ce souffle épique omniprésent - encore qu'il en fallait, et, toutes proportions gardées, c'est l'un des plus gros points forts de l'œuvre -, fruit d'une certaine époque et d'une certaine vision des choses ; enfin, mettre de côté pour une fois cette insatisfaction paraît plus à propos pour apprécier l'œuvre. Tous les généraux, tous les rois, tous les empereurs, tous les présidents, sont des criminels. Certains on seulement plus d'envergure que d'autres. Aucun n'en a autant que ce Napoléon.
*Mention spéciale pour la partition musicale. Gance n'a peut-être pas donné d'indications pour l'accompagnement, mais les choix qui ont été faits sont très pertinents. Une musique d'exception, qui sublime le film et fait passer un bon moment.
Un sommet de l'histoire du cinéma enfin reconstitué dans sa version initiale. La première partie comporte plusieurs séquences sublimes, de l'enfance prémonitoire de Bonaparte au siège de Toulon. Des innovations techniques, comme le split screen, sont admirablement mises en valeur. Autour de l'excellent Albert Dieudonné est composé un casting de qualité avec notamment Annabella (Violine Fleuri) et Antonin Artaud (Marat). Un évènement.
L'histoire de Napoléon Bonaparte, de son enfance à l'école militaire de Brienne jusqu’à sa première campagne d’Italie.
L'Empereur Bonapart est l'un des personnages historiques les plus représentés sur les écrans, avec plus de 700 apparitions (selon l’historien et critique de cinéma Antoine de Baecque), quoi de plus normal qu’il ait eu droit à un biopic si tôt après la création du cinématographe par les frères Lumière.
Après un travail titanesque de 16 ans (et au budget colossal de 4M d’€) mené par Georges Mourier dès 2007 pour reconstruire et restaurer ce film mythique mais disparu ou plutôt charcuté en de multiples versions qui ne ressemblaient en rien à l’oeuvre d’origine (il a fallu récupérer des éléments conservés dans des archives éparpillés aux quatre coins du globe), le grand public à enfin la possibilité de découvrir l’oeuvre tel que l’avait imaginé son réalisateur près d’un siècle plus tôt (et que les spectateurs n’avait pas revu depuis sa première présentation en mai 1927) tout en respectant scrupuleusement le matériau d’origine, à savoir, sa colorimétrie, son cadre de projection et les teintes d’origines.
Au commencement, il existait 3 versions (officielle) du film, la première appelée “Opéra” d’une durée de 4h, la seconde appelée “Apollo” d’une durée de 9h30 et une troisième (qui est la version définitive) appelée “Grande Version” d’une durée de 7h. C’est sur cette dernière que la Cinémathèque française a réalisé la restauration (d’autres versions ont circulé dans le monde, notamment celle de la Metro-Goldwyn-Mayer, totalement charcutée au montage puisqu’elle ne dure plus que 2h).
Abel Gance réalise ici une oeuvre phare dans l’Histoire du 7è Art, une fresque épique et démesurée (un tournage étalé sur deux ans et un montage qui aura nécessité une année entière) avec laquelle il ne cessera d’innover en cherchant à se surpasser et tout cela se ressent à l’image. Sa mise en scène est novatrice et bon nombre de séquences sont à couper le souffle (surtout pour un film qui s’apprête à fêter ses 100 ans !). On pense bien évidemment à la séquence culte du triptyque final dit “Le Départ de l’Armée d’Italie” selon le procédé conçu par le réalisateur, de projection en triple écran, qu’il nommera plus tard “Polyvision” ou bien les poursuites avec caméras déportées sur les chevaux au galop, plans kaléidoscopiques, les multiples surimpressions, la caméra harnachée à un balancier, les cadrages à hauteur d’enfant, les split-screen,…
Le travail de restauration (en 5K) est une pure merveille et rend un vibrant hommage au travail titanesque orchestré par son réalisateur. Abel Gance n’ayant donné aucune instruction quant à l’accompagnement musical de sa version définitive, la Cinémathèque française l’a confiée au compositeur Simon Cloquet-Lafollye et le résultat est tout simplement sublime et vient parfaitement accompagner les 7h de projection.
On est pris au coeur du film, de part son histoire, sa fougue, sa mise en scène endiablée et virtuose et ses acteurs si charismatiques (bien que le jeu puisse prêter à sourire, car cinéma-muet oblige, le surjeu était de rigueur), avec en premier lieu Albert Dieudonné qui incarne Napoléon à la perfection. Si la durée du film peut en réfréner certains, cela reste une expérience à vivre, de même que les 7h de Guerre et Paix / Война и мир (1966) de Sergueï Bondartchouk (où il était là aussi question de Napoléon, mais dans une moindre mesure), c’est quelque chose à vivre au moins une fois dans sa vie (et sur grand écran de préférence).
Présenté comme l'un des plus grands chefs-d'œuvre de l'histoire du cinéma, le Napoléon d'Abel Gance m'a fait l'effet d'une purge ridicule et vaine. D'abord, ce premier volet n'évoque aucun des événements napoléoniens les plus célèbres. Il s'arrête avant les conquêtes d'Italie. On se limite à une imbécile bataille dans la neige quand le jeune Bonaparte a 11 ans, puis une découverte de la Marseillaise complément hors sujet, puis un long voyage en Corse, pour finir par un interminable siège de Toulon. Toutes les scènes sont étirées à l'extrême jusqu'au ridicule. Des centaines de plans disent tous la même chose, en un phénomène de redondance qui frise la démence. Peut-être aurait-il fallu faire un choix au montage, tu crois pas Abel ? Ou alors tes contemporains étaient tellement idiots qu'il faut leur répéter 20 fois la même chose pour qu'ils comprennent ? Le thème et son traitement ne fonctionnent pas non plus. Napoléon est présenté comme un type au melon intergalactique, sorte de tête à claques ultime. Le comédien choisi est ridicule. Son histoire ne génère strictement aucun suspense, donc aucune attente. Tout nous est montré comme l'annonce d'un futur génie. Ce n'est donc pas une histoire en soi, mais des éléments pour une autre, future. Enfin, il est clair que Gance cherchait à faire un film grand public. Les gens avaient donc 7h à perdre dans un cinéma en 1927...? Aujourd'hui un tel film est vu par des cinéphiles et donc tous les pseudo gags et les anecdotes ne fonctionnent aucunement. Que la grêle tombant sur des tambours lors de la bataille de Toulon donne le rythme des combats, ça intéresse qui ? Pourquoi passer 5 min sur ça ? Bref, une purge. Évidemment il y a quelques très beaux effets formels et certaines scènes sont magistrales. Mais aucun splitscreen, contrairement à ce qui est annoncé, ils doivent être dans le second volet... Si c'est votre premier film muet, n'en désespérez pas. Voyez des films de Murnau, Dreyer, Pabst, von Stroheim, et Chaplin et Keaton évidemment, c'est d'un bien meilleur niveau !
Une oeuvre qui a certes son importance dans l'histoire mais qui a extrêmement vieilli. On peut néanmoins citer quelques scènes réussies avec de l'intensité ou encore une réussite au niveau des décors, des couleurs et de la réalisation et un excellent Dieudonné possédant un regard hypnotique. Aussi de bons passages sonores.
Difficile à noter car 5/5 pour l'audace, l'inventivité, le génie créatif de Gance et le jeu de Dieudonné qui joue Napoléon. Mais le film est trop didactique. Gance veut tout montrer, trop montrer, du coup on est presque plus dans le documentaire mais qui s'étire. Le film est néanmoins à voir au moins une fois dans sa vie si on est cinéphile. Et n'oublions la musique, qui elle est de 2023/2024, tout bonnement une grande réussite.